Le jour où l'Assemblée nationale fut créée
En juin 1789, un mois avant la Prise de la Bastille, les députés du Tiers État se constituent en assemblée délibérante – ils signent sans le savoir l'acte de naissance de la Nation française.
Au lendemain de l'ouverture des États généraux à Versailles, le 6 mai 1789, le Tiers état a pris le nom d'Assemblée des Communes et demandé la vérification des pouvoirs en commun. En vain : la Noblesse et le Clergé refusent de siéger avec le Tiers état.
Le 11 juin, l'abbé Sieyès, auteur de l'essai fondateur Qu'est-ce que le Tiers état, invite les députés des deux autres ordres à rejoindre les « députés des Communes ». Aucun ne répond à cette nouvelle invitation ; aussi, le Tiers état commence la validation des pouvoirs le 12 (voir les comptes-rendus des séances dans La Gazette nationale).
Quelques curés ont malgré tout répondu à l'appel de Sieyès et sont venus grossir les rangs du Tiers état en tant que représentants du Clergé, comme Claude Marolles, curé de Saint-Quentin. Le 15 juin, il exprime devant les députés sa volonté de participer à « l’œuvre importante de la régénération de l’État » et promet de se conduire suivant les « principes de la tendre affection d’un frère ». Avant de prévenir toutefois :
« Si cet exemple n’est pas suivi par le plus grand nombre, vous ne désapprouverez pas, sans doute, mon retour dans la chambre du Clergé, où la défense de votre cause exigera ma présence. »
En ce jour du 15 juin, « le Peuple s’était porté en foule à cette séance », précise La Gazette nationale. L'Abbé Sieyès peut présenter sa motion sur la constitution des Communes en « Assemblée des représentants connus et vérifiés de la Nation française ». Sieyès prévient toute contestation sur la légitimité de la future Assemblée : les députés alors présents représentent les « quatre-vingt-seizièmes de la Nation ».
« Une telle masse de députations ne saurait être inactive par l’absence des députés de quelques bailliages, ou de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés, ne peuvent point empêcher les présents d’exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l’exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant. [...]
L’Assemblée juge donc que l’œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée, sans retard, par les députés présens, et qu’ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle. La dénomination d’Assemblée des représentans connus et vérifiés de la Nation Française, est la seule dénomination qui convienne à l’Assemblée dans l’état actuel des choses, la seule qu’elle puisse adopter, tant qu’elle ne perdra pas l’espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd’hui absents ; elle ne cessera de les appeler, tant individuellement que collectivement, à remplir l’obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des États-Généraux. »
Le 17 juin 1789, les députés prennent le nom d'« Assemblée nationale », se ralliant à la proposition d'un avocat d'un bailliage du Berry, Jérôme Legrand.
Le 20 juin 1789, rassemblés dans la salle du jeu de Paume, ils prêtent serment de ne se séparer qu’après avoir donné une Constitution à la France (voir notre article) :
« Nous jurons de ne jamais nous séparer de l'Assemblée nationale, et de nous réunir partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides. »