L'arrestation de Louis XVI à Varennes
Son pouvoir de plus en plus fragilisé, le roi Louis XVI prend la décision, le 20 juin 1791, de quitter la France dans le plus grand secret. Reconnu à Varennes, il est immédiatement arrêté.
Au début du mois d’avril 1791, les affaires du roi vont mal. Honoré-Gabriel Riqueti de Mirabeau, « l’Orateur du peuple », tribun talentueux à l'Assemblée et conseiller secret de Louis XVI, décède à son domicile parisien le samedi 2. Avec lui, le roi perd un fidèle soutien et le défenseur d'un chemin médian entre monarchie et révolution.
Quelques jours plus tard, le roi est empêché, par des émeutiers qui suspectaient une tentative de fuite, de se rendre dans son château de Saint-Cloud, où il comptait prendre quelque repos. Son carrosse est bloqué place du Carrousel par une foule nombreuse, à laquelle se sont joints des soldats. Les insultes fusent, les coups également. Les serviteurs du roi sont chahutés et insultés.
Louis XVI comprend qu'il est devenu l'otage de la révolution en cours et qu'il est désormais retenu prisonnier aux Tuileries.
Ces deux évènements vont le conforter dans le projet qu'il forme, depuis plusieurs mois, de quitter la France afin de tenter de reprendre par la force le pouvoir qu'on lui a enlevé.
Le 20 juin 1791, après la traditionnelle cérémonie du coucher, le roi, déguisé en valet de chambre, sort des Tuileries et rejoint une berline garée à proximité, rue de l'Échelle, dans laquelle l'attendent Marie-Antoinette et le dauphin, ainsi que leur gouvernante, exfiltrés grâce à Axel de Fersen.
À deux heures trente du matin, l'équipage opère un premier relais à Bondy puis continue sa route à brides abattues. Après avoir voyagé toute la nuit, la berline est à Montmirail, dans le département de la Marne, à 11 heures du matin. Entre-temps, la nouvelle de la fuite du roi s'est répandue partout. La Fayette lance des soldats sur les traces des fuyards et la garde nationale est mise en alerte.
À Viels-Maisons et à Sainte-Menehould, le roi est reconnu par plusieurs personnes.
Aux environs de 22h50, la berline de Louis XVI arrive à Varennes. Tout va alors aller très vite.
Jean-Baptiste Sauce, procureur-syndic de Varennes, qui a été alerté par les citoyens Jean-Baptiste Drouet et Jean-Chrisosthome Guillaume de la présence du roi sur sa commune, recueille celui-ci ainsi que la famille royale chez lui. À cinq heures du matin, deux émissaires de l'Assemblée nationale, munis d'un ordre d'arrestation, mettent la main sur le roi pour le ramener à Paris. Le 21 juin au matin, c'en est fini des espoirs de Louis XVI de quitter la France.
Dès le 23 juin, le Mercure universel se fait l'écho des évènements extraordinaires qui viennent de se dérouler :
« Ce soir, à dix heures, un bruit se répand dans la capitale. Les citoyens forment aux portes des maisons de paisibles groupes. Un exprès, envoyé par la municipalité de Varennes à l'assemblée nationale, y a apporté la nouvelle de l'arrestation du roi.
Voici la lettre de la municipalité de Varennes aux municipalités des environs. Deux personnes d'une grande importance viennent d'être arrêtées ; à nous les municipalités voisines.
Une seconde lettre de Stenay annonce que M. Bouillé a commandé un détachement de dragons de 60 hommes pour favoriser les intentions et la marche de ces deux personnes. »
L'arrestation du roi est d'une telle importance que les citoyens Guillaume, Drouet et Sauce deviennent du jour au lendemain des héros nationaux, comme en témoigne un article des Annales patriotiques et littéraires de la France paru le 25 juillet 1791 :
« Le petit bourg de Varennes et sa garde nationale sont devenus à jamais célèbres dans les fastes de notre histoire et de la liberté ; partout les bons françois prononcent avec attendrissement et admiration les noms de trois citoyens, Guillaume, Drouet et Sauce, qui ont signalé leur courage et leur patriotisme dans l'arrestation de Louis XVI et de son épouse. »
L'Assemblée nationale ne manquera pas d'ailleurs de récompenser chaque citoyen qui a concouru à stopper la tentative de fuite de Louis XVI, comme le relate le Courrier extraordinaire le 27 août :
« La séance a été ouverte par la lecture d'une lettre d'un citoyen de Varennes ; elle a été vivement applaudie ; la voici en propres termes.
M. le président,
Je viens d'être instruit que l'assemblée nationale, par un décret du 18, a décerné des récompenses aux villes et citoyens qui ont eu le plus de part aux événements de la nuit du 21 au 22 juin, et que j'y suis dénommé pour une somme de six mille livres. »
Cette fuite mal organisée, qui se termine par une arrestation humiliante, est l'occasion que les partisans de l'abolition de la Monarchie attendaient pour réclamer la République.
Dès lors considéré comme un ennemi, Louis XVI sera guillotiné dix-neuf mois plus tard [voir notre article], le 21 janvier 1793, non sans qu'il lui fut lourdement reproché lors de son procès d'avoir voulu trahir la Révolution.