C'était à la Une ! La nuit du 4 août 1789
La lecture du jour évoque la séance du 4 août 1789 au cours de laquelle fut votée la suppression des privilèges féodaux.
En partenariat avec "La Fabrique de l'Histoire" sur France Culture
Cette semaine : l'abolition des privilèges et droits féodaux lors de la séance du 4 août 1789, La Gazette nationale ou le Moniteur Universel, août 1789.
Texte lu par : Elsa Dupuy
Réalisation : Séverine Cassar
« (1) Cette séance n'était indiquée que pour lire la déclaration arrêtée la veille, et pour calmer l'agitation et les troubles des provinces.
On a commencé par donner lecture de cette déclaration ; mais elle était bien incorrecte : on n’y fesait (sic !) pas mention des sacrifices que la noblesse était dans l’intention de faire, elle ne parlait pas de la réforme que le clergé se proposait de faire, elle n’annonçait enfin rien de ces grands objets qui intéressent et frappent la Nation.
L’Assemblée sentait bien tous ces inconvénients. Les Peuples, disait-on, souffrent, se plaignent et gémissent. Ils nous ont fait des demandes : nous sommes chargés de les exécuter. N’aurons-nous donc que des délais à apporter à leur empressement ? Ne leur laisserons-nous entrevoir que des secours, lorsque les circonstances nous commandent impérieusement de leur en donner au moment même.
Ces idées se sont bientôt répandues dans tous les ordres, ont fermentés dans tous les cœurs, et tout-à-coup, se dépouillant du vieil homme, chaque citoyen, quelque fût son rang, sa dignité, quelle que fût sa fortune, n’a plus été que l’égal de l’homme le plus obscure ; le seul titre de citoyen était celui qu’il voulait conserver. Chacun a secoué les préjugés qui ont fait jusques à présent la base de notre éducation pour signaler par le plus généreux désintéressement l’amour de la Patrie.
M. le vicomte de Noailles a réchauffé toutes les âmes, tout le monde s’est porté en foule au bureau pour s’y faire inscrire et y offrir des sacrifices au bien public, ou plutôt des sacrifices à la vérité, à la justice, mais qui n’en mérite pas moins notre reconnaissance : c’était à qui ferait le plus promptement l’abandon des droits les plus antiques, non pas les plus justes, mais les plus beaux, mais les plus avantageux.
En une nuit, la face de la France a changé; l’ancien ordre de choses, que la force a maintenu, malgré l’opposition de cent générations, a été renversé.
En une nuit, l’arbre fameux de la féodalité, dont l’ombre couvrait toute la France, a été renversé.
En une nuit, l’homme cultivateur est devenu l’égal, de celui qui, en vertu de ses parchemins antiques, recueillait le fruit de ses travaux, buvait en quelque sorte sa sueur et dévorait le fruit de ses veilles. L’homme noble a repris la place que lui marquait la nature et la raison.
En une nuit, les longues entreprises de la cour de Rome, ses abus, son avidité ont trouvé un terme et une barrière insurmontables qui vient de poser pour une éternité la sagesse et la raison humaines.
En une nuit le triple pouvoir féodal, aristocratique, parlementaire, a été anéanti. Ces corporations, fameuses par leur tyrannie et leurs cruautés, ne présentent plus aujourd’hui qu’un corps languissant, abattu, terrassé par un bras courageux, et se débattant inutilement contre les efforts du patriotisme.
En une nuit la France a été sauvée, régénérée ; en une nuit un Peuple nouveau semble avoir repeuplé ce vaste empire, et sur les autels que les anciens Peuples avaient élevés à leurs idoles, ils placeront l’image d’un Dieu juste, bienfesant (sic !), tel qu’une raison sauvage le leur avait montré, et tel qu’ils l’avaient appris de la nature dans le fond des forêts. »