Écho de presse

22 août 1795 : adoption de la Constitution de l'an III

le 23/08/2020 par Pierre Ancery
le 20/08/2018 par Pierre Ancery - modifié le 23/08/2020
« La tyrannie révolutionnaire écrasée par les amis de la Constitution de l'an III », estampe d'A.B. Massol, 1795-1796 - source : Gallica-BnF

Un an après la fin de la Terreur, la très modérée Constitution de l'an III fonde le Directoire. Œuvre de compromis, favorable à la bourgeoisie et visant la stabilité, elle restera en vigueur quatre ans.

Après la chute de Robespierre le 9 thermidor an II (27 juillet 1794) et la fin de la Terreur, commence ce qu'on a appelé la réaction thermidorienne. Les Thermidoriens constituent la majorité modérée de l'Assemblée, favorable à un retour au libéralisme économique et au gouvernement constitutionnel.

 

C'est de leurs rangs que va émaner la nouvelle Constitution, qui remplace celle de juin 1793 et met un place un régime qui durera quatre ans, le Directoire.

 

En avril 1795, la Convention crée une commission de onze membres chargés d'en rédiger le projet. Boissy d'Anglas, royaliste constitutionnel et rapporteur de la commission, énonce la teneur de la nouvelle Constitution en juin, dans un discours particulièrement emphatique :

« Il est d'une grande nation comme d'un grand homme. Le but que celui-ci poursuit dans ses travaux, le principe de tous ses mouvements, de tout ce qu'il entreprend de plus périlleux et de plus pénible, c'est d'obtenir un jour un repos glorieux et plein de dignité.

 

Ainsi une nation qui s'agite, qui se livre aux mouvements orageux d'une révolution, n'aspire, au milieu même de son effervescence, qu'à jouir dans le calme du fruit de ses travaux et des sacrifices qu'elle s'est imposée.

 

C'est aujourd'hui que vous pouvez réaliser cet espoir du peuple français, en fixant d'une main hardie le terme de ses agitations trop prolongées [...]. Les destinées de vingt-quatre millions d'hommes sont dans vos mains ; il dépend de vous de faire enfin succéder la lumière aux ténèbres […]. »

Il s'agit de rompre à la fois avec la monarchie et avec le gouvernement révolutionnaire, accusé par les Conventionnels thermidoriens d'avoir semé le chaos. Le texte de 1793 est ainsi perçu comme l'expression de la « tyrannie » robespierriste.

 

« Terminer la Révolution », tel est le projet des rédacteurs, ainsi que l'affirme Boissy d'Anglas le 18 août, après la clôture des débats. La nouvelle Constitution favorisera clairement la bourgeoisie libérale, grands propriétaires terriens et urbains enrichis par la spéculation sur les biens nationaux et les assignats, qui constituent les catégories les plus riches de la population.

 

La nouvelle Constitution est adoptée le 5 fructidor an III, c'est-à-dire le 22 août 1795. Avec ses 377 articles, c'est la Constitution la plus longue de l'histoire française.

 

Le jour même, Pierre-Charles-Louis Baudin, l'un des onze membres du comité de rédaction de la Constitution, prononce un discours devant la Convention :

« Le but d'une révolution est la réforme des abus accumulés au point de n'être plus susceptibles de remèdes, dans une secousse violente et universelle. Quand l'édifice social tombe en ruines de toutes parts, et ne peut plus être étayé ni réparé, la démolition, devenue inévitable, doit précéder une construction nouvelle […].

 

L'abolition des privilèges, rapidement emportée le 4 août 1789, et consommée sans retour le 21 septembre 1792, a desséché l'arbre du despotisme jusques dans la racine. Nous avons vu depuis néanmoins le patriotisme inquiet, l'ignorance démagogique et la tyrannie homicide attaquer la propriété, le savoir, le commerce, l'industrie, la subordination aux autorités établies, la discipline militaire, la liberté des cultes, celle de la presse, le respect dû aux mœurs publiques, comme autant de fruits de l'aristocratie.

 

Tant de persécutions insensées n'ont servi qu'à mieux constater qu'il n'y avait rien à détruire après la royauté et les ordres privilégiés ; et qu'au lieu de mutiler ainsi les parties vitales du corps politique, il fallait se hâter de guérir les plaies, de lui donner une organisation, et de lui rendre la plénitude de sa vigueur. »

La Constitution est précédée d'une Déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen. Le suffrage universel, qui effraye les Thermidoriens, y est rejeté au profit du rétablissement du suffrage censitaire à deux degrés.

 

Le bicaméralisme est établi : un « Conseil des Cinq-Cents » prend l'initiative des lois, qui sont ensuite discutées et votées par le « Conseil des Anciens ». Le pouvoir exécutif, collégial, est remis à cinq membres, les Directeurs, élus par les deux Chambres.

 

La Constitution de l'an III sera approuvée par plébiscite le 6 septembre. Elle sera suspendue le 10 novembre 1799, à la suite du coup d’État du 18 brumaire.