Écho de presse

1868-1874 : la Révolution espagnole et l'échec de la première République d'Espagne

le 29/04/2019 par Marina Bellot
le 27/08/2018 par Marina Bellot - modifié le 29/04/2019
Une du Gaulois à propos de la Révolution espagnole, 17 octobre 1868 - source : RetroNews-BnF

En septembre 1868, un mouvement révolutionnaire chasse Isabelle II du trône d'Espagne. L'expérience démocratique du pays durera six années, marquées par une très forte instabilité politique. Elle débouchera sur la restauration de la monarchie.

Alors que l'Espagne des années 1860 est en proie à une grave crise économique, à laquelle s'ajoute la détérioration d'un système politique autoritaire et corrompu, le règne d'Isabelle II est à l'agonie. 

Le 18 septembre 1868, la ville de Cadix se soulève contre la monarchie ; le 19 septembre, les généraux adressent une proclamation solennelle au peuple espagnol dans laquelle ils déplorent l'état  du pays et se présentent comme l'incarnation des aspirations populaires.

Les troupes gouvernementales tentent de résister, mais le mouvement s'étend rapidement à toute l'Andalousie puis à d’autres zones du pays. 

Le 29 septembre, Isabelle II s’exile en France, d’où elle ne reviendra plus. 

Début octobre, les journaux français annoncent le « triomphe de la révolution espagnole » : 

«​ La révolution espagnole est terminée, le trône de la reine Isabelle s’est écroulé. 

Madrid a ouvert ses portes aux insurgés, toutes les autorités royales ont donné leur démission ; 

le maréchal Serrano a organisé un gouvernement provisoire composé de 4 républicains, 4 unionistes et 4 progressistes ; 

la déchéance de la reine a été proclamée ; 

le peuple espagnol va être convoqué immédiatement au moyen du suffrage universel et la Constituante aura pour mission de décider quelle sera désormais la forme du gouvernement espagnol. »

Dans l’Hexagone, l’intérêt est vif pour cet événement à la portée déjà historique.

Le Gaulois publie ainsi en couverture une galerie de portraits des principaux acteurs de la Révolution espagnole. 

Plusieurs forces sont en présence : les militaires, qui se réclament monarchistes et prétendent à changer la Constitution et remplacer le monarque, et les juntes, plus radicales, qui aspirent à une véritable révolution bourgeoise basée sur le principe de souveraineté nationale, à l'instar de la Révolution de 1848 en France.

Le Courrier de Saône et Loire résume ainsi la situation :  

«​ On pourrait se la représenter sous deux faces principales, et aux prises avec deux partis dominants : l’un voulant renverser de fond en comble les institutions établies, et en créer d’entièrement nouvelles ; l’autre bornant son ambition et ses efforts à réformer et à développer les institutions qui sont debout. 

Il est certainement impossible de prévoir à laquelle de l’une ou de l’autre de ces opinions restera, en définitive, la victoire. »

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Mais, dès le début de la Révolution, la faiblesse des Républicains est patente. « Même en Catalogne, où la démocratie espagnole a ses plus vivaces foyers, le parti républicain se montre plus faible, ou moins impatient qu’on ne l’eût pensé », note ainsi Le Siècle.

S’ouvre une période d’instabilité de six ans – période baptisée plus tard « Sexenio Democrático » ou «  Sexenio Revolucionario » (« les six ans démocratiques » ou « révolutionnaires »). 

Pour la première fois, une Assemblée constituante se fait élire au suffrage universel masculin réservé au plus de 25 ans. 

Le triomphe électoral des partis favorables au système monarchique oblige le nouveau gouvernement à trouver un nouveau roi pour l'Espagne. Le 16 octobre 1870, le prince Amédée de Savoie est couronné roi d’Espagne. Il ne gouvernera que deux ans, durant lesquels il doit faire face à de graves difficultés politiques.

L'instabilité gouvernementale et les dissensions entre les partis au pouvoir sont à leur paroxysme : six gouvernements se succèdent pendant ce court règne. 

Le 10 février 1873, Amédée 1er est contraint d'abdiquer ; le 11, la République est proclamée.

La presse hexagonale ne manque pas de faire la comparaison avec la chute de Napoléon et la restauration de la IIIe République française, trois ans plus tôt, à l'instar du quotidien Le XIXe siècle :  

«​ L'Europe compte une République de plus, la République espagnole.

À vrai dire, elle ressemble un peu à celle de France, elle n'est encore qu'ondoyée : le baptême viendra plus tard ; mais il viendra, nous le croyons fermement, car la République espagnole n'est point venue au monde par accident, à la suite de convulsions populaires ; elle est née, comme la République française, des entrailles mêmes de la situation.

Amédée a donné sa démission ; Napoléon III avait rendu son épée. L'un a bien agi, l'autre mal ; et si la pensée peut nous venir de comparer le premier au second, c'est seulement, qu'on veuille bien le croire, parce que tous deux, possesseurs d'un trône, l'ont tous deux laissé vacant à un moment donné. 

En Espagne comme en France, c'est au pays qu'il appartenait de reprendre en main ses destinées, et si jamais Républiques furent légitimes, – en admettant qu'il y ait autre chose de légitime que le gouvernement du pays par le pays – ce sont, à coup sûr, la République qui vient de naître au-delà des Pyrénées, et celle qui est née en France le 4 septembre 1870. »

Même comparaison du côté de L’Avenir républicain, qui annonce la « mort de l’idée monarchique » :

«​ Pas un coup de fusil n’a été tiré, pas un cri n’a été poussé pour le maintien du roi démissionnaire. Cela ressemble à notre quatre septembre, moins la honte pour le souverain. 

Il faut s’attendre désormais à voir les rois tomber d’eux-mêmes, comme une planche pourrie tombe d’un édifice, sans qu’il soit besoin d'un coup de hache pour l’en détacher. 

L'idée monarchique est morte, bien morte, en Espagne comme en France, comme partout. On pourra peut-être encore, pour un temps, et dans certains pays, galvaniser ce cadavre, lui donner une vie factice : ce ne sera jamais qu’un cadavre. »

Contrairement aux prévisions aussi enthousiastes que précipitées d'une partie de la presse française, cette première expérience républicaine sera en réalité de courte durée : dès janvier 1874, un coup d'État, organisé par des partisans de la monarchie, y met fin.

En janvier 1875, la monarchie est restaurée. Il faudra attendre 1931 pour qu'une Seconde République espagnole voie le jour – et qu'elle aussi soit renversée, par le général Franco.