Vallès ne se contente pas de rendre hommage aux victimes de la « misère sans drapeau ». Il s'en prend aussi aux vivants :
« Le monde n'a jamais vu dans les malheureux que des révoltés. La misère ne lui apparaît qu'à travers le brouillard pâle des philantropies et la fumée rouge des révolutions, l'écume aux lèvres, la poudre aux mains. [...] La misère en habit noir, dit Balzac. Mais elle a droit de cité dans le monde, celle-là ; elle est admise, tolérée, reconnue. C'est l'uniforme des débutants. Il y en a, hélas ! une autre qu'on ne connaît pas, qui n'a ni passeport ni portefeuille, qui ne peut plus mentir, qui bâille par toutes les coutures, dont on entend claquer les dents, crier le ventre, qui n'a plus rien à mettre sur ses plaies, misère grise, plate et laide, dont les héros sans nom, affamés, grelottants, poitrinaires, portent des gilets de pître, des redingotes d'invalides, des vestes de première communion, sur des épaules de trente ans [...]. « C'est leur faute ! » crie notre égoïsme gêné par ce spectacle et ces images ! Qui nous l'a dit ? Savons-nous ce que fut leur enfance, comment s'est passée leur jeunesse, à quelle heure ils firent naufrage, comment ils se sont perdus corps et âme dans cette tempête sans éclairs ! Et pour cela faut-il qu'ils meurent ? »
Engagé en faveur de la liberté de la presse, emprisonné en 1870 pour pacifisme, Vallès fondera plusieurs journaux, dont le plus célèbre reste Le Cri du peuple. Pendant la Commune de Paris, le futur auteur de L'Enfant, élu dans le quinzième arrondissement, sera l'un des chefs de file de l'insurrection. À sa mort en 1885, 100 000 personnes accompagneront sa dépouille au Père-Lachaise.