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RetroNews | la Revue n°3
Au sommaire : un autre regard sur les explorations, l'âge d'or du cinéma populaire, et un retour sur la construction du roman national.
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La célèbre basilique, dont la première pierre fut posée en 1875, fut construite par la droite catholique pour racheter les « péchés » de la France, au nombre desquels la récente Commune de Paris.
1871. Peu après la défaite militaire de la France face à l'Allemagne, deux catholiques conservateurs, le philanthrope Alexandre Legentil et le peintre Hubert Rohault de Fleury, expriment publiquement ce qu'ils nomment un « vœu national » : la construction à Paris d'une église consacrée au Cœur du Christ, en réparation des « péchés » commis par la France.
Quels sont ces péchés ? Dans l'esprit des deux hommes, ce sont les multiples attaques menées contre la religion au cours du dernier siècle, depuis la Révolution de 1789 jusqu'à la toute récente Commune de Paris (mars-mai 1871). Au cours de celle-ci, l'archevêque de Paris Georges Darboy a été exécuté comme otage, un événement vécu comme un traumatisme par toute une partie de la population catholique.
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Pour les deux hommes, la défaite contre l'ennemi d'outre-Rhin, le terrible siège de Paris et les morts de la Commune sont donc interprétés comme une punition céleste, et il convient de faire œuvre de piété pour obtenir le pardon divin.
Leur texte paraît dans la presse en juillet 1871 :
« En présence des malheurs qui désolent la France, et des malheurs plus grands peut-être qui la menacent encore […] nous nous humilions devant Dieu, et, réunissant dans notre amour l’Église et notre patrie, nous reconnaissons que nous avons été coupables et justement châtiés. Et, pour faire amende honorable de nos péchés et obtenir de l’infinie miséricorde du Sacré Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ le pardon de nos fautes, [...] nous promettons, lorsque ces grâces nous auront été accordées, de contribuer, selon nos moyens, à l'érection à Paris d’un sanctuaire dédié au Sacré Cœur de Jésus. »
L'idée rencontre rapidement le succès. Citons le célèbre prédicateur Jacques Monsabré qui apporte en 1872 son soutien à cette construction, qu'il justifie dans un discours chaleureusement repris par L'Univers :
« Notre vœu national, commencé par la prière, doit recevoir sa dernière expression dans un monument [...]. Dispersés à tous les points de la France, nous voulons un signe matériel de notre union dans le même repentir, le même espoir, la même reconnaissance. Le sanctuaire du Sacré-Cœur, édifié au sein même de notre capitale, sera ce signe. »
On fait appel à des dons. Le nouvel archevêque de Paris, monseigneur Guibert, donne son assentiment au projet. Tout comme la majorité parlementaire de droite menée par Adolphe Thiers – le responsable de la répression sanglante de la Commune en mai 1871. Après de longues controverses, les députés votent le 24 juillet 1873, par 382 voix contre 138, une loi « d'utilité publique » dédiée à la construction du bâtiment. Elle permet aux initiateurs du projet de disposer des derniers terrains nécessaires.
C'en est donc décidé : la basilique du Sacré-Cœur sera construite par l'architecte Paul Abadie, sur la butte Montmartre.
Le lieu n'a pas été choisi par hasard : l'ancien « mont des Martyrs » a derrière lui une longue histoire religieuse (il fut un des lieux du martyre de Saint Denis) et sa hauteur permettra à l'édifice d'être visible de tous. C'est par ailleurs en son sommet qu'a débuté l'insurrection de la Commune, deux ans auparavant.
Des critiques s'élèvent. Émile Zola voit dans la basilique un symbole obscurantiste. Le Siècle fustige l'exaltation mystique à l'origine du projet, qu'il analyse comme la dérive d'un catholicisme en pleine perte de vitesse dans une société de plus en plus laïque :
« La société catholique, les yeux fermés sur les causes toutes naturelles de sa progressive décadence, et d'ailleurs condamnée par sa foi à n'y point chercher de remède, invoque des chimères, des prodiges, somme ses saints et ses saintes de descendre sur le monde, la foudre à la main ! [...]
Il fallait que le catholicisme perdît absolument pied sur la terre pour aller chercher un refuge dans ce mysticisme transcendantal. C'est une vogue pour le moment, c'est une mode, un tour d'esprit ; il faut le laisser passer. L'Europe sait bien que ces excès d'imagination, trop explicables dans les partis et dans les écoles qui disparaissent, n'altéreront pas le sens commun de la France, ni le droit positif, ni la politique de notre pays. »
La première pierre est posée en juin 1875, devant des milliers de curieux. L'archevêque de Paris prononce un discours cité par Le Figaro, dans lequel il appelle « la bénédiction divine sur tous ceux qui vont travailler à l'édification de ce temple, ou contribuer a réunir les ressources nécessaires à l'achèvement de ce monument du repentir de la France catholique, de cet hommage de son dévouement. »
La construction complète s'achèvera cinquante ans après le vote de la loi, en 1923. La basilique du Sacré-Cœur est aujourd'hui le deuxième monument religieux de Paris le plus visité, après Notre-Dame.