La résistance se déploie partout, y compris dans les conditions extrêmes des camps nazis, Primo Lévy nous le démontre.
Quelquefois, profitant des circonstances ou à la faveur d’une résistance au fascisme, comme en Espagne en 1936, des collectifs autonomes se constituent et font preuve d’une liberté qui anticipe la société à venir. L’ordre, quel qu’il soit, le réprime c’est ce qui s’est passé pendant cette période lourde de promesses mais écrasées d’abord par le fascisme mais aussi par les agents du pouvoir dit soviétique.
Comment la pensée émancipatrice peut-elle se relever d’un cauchemar tel que la Seconde Guerre mondiale ?
La pensée émancipatrice fut presque impossible. De ce point de vue, il faut lire les textes d’Adorno et Horkheimer des années 1940 et redonnés à comprendre, ces dernières années, par Miguel Abensour ; cette question est tout l’objet de mon livre.
Quelles seraient, aujourd’hui, les grandes revendications d’émancipation à un moment où le capitalisme débridé et destructeur semble plus que jamais, lui aussi, « totalitaire » ?
Nous vivons aujourd’hui une épreuve de vérité où les illusions idéologiques tombent. Le libéralisme, devenu néolibéral, montre son vrai visage en dévoilant le service rendu par les Etats aux puissances économiques dont la domination sans partage apparaît au grand jour, au moment où la planète se dégrade après que ses dirigeants ont contribué à l’épuiser par l’extinction du vivant. Les discours d’harmonie sociale se donnent à voir tels qu’en eux-mêmes : un mensonge au temps où les autorités gouvernementales détricotent les états sociaux mis en place après la Seconde Guerre mondiale.
L’opinion publique se réveille d’un long sommeil où les autorités ont plongé les citoyens sans leur donner le pouvoir d’exercer pleinement leurs droits. La crise sociale est là partout dans le monde accompagnant le dérèglement climatique. Les initiatives émancipatrices se développent dans les lieux les plus reculés de la planète à la mesure de l’actualité de la démocratie qui se révèle la préoccupation du moment partout dans le monde, de Hong Kong à Alger. Les mouvements de protestation, des soulèvements des places au printemps arabe, jusqu’au Hirak, en passant par le soulèvement de la population soudanaise…
L’ordre ne peut tolérer ces manifestations, régulièrement écrasées. Mais face à l’urgence climatique, la planète en cours de destruction massive, contraint tous et chacune à reprendre leurs affaires, les affaires de l’humain en main. Si le conservatisme d’extrême droite ne l’emporte pas trop vite, les temps prochains s’annoncent riches d’initiatives populaires – à condition toutefois d’accepter des changements drastiques de mode de vie…
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Michèle Riot-Sarcey est historienne, professeure émérite d’histoire contemporaine à l’université Paris-VIII-Saint-Denis. Elle travaille notamment sur les utopies politiques et vient de faire paraître L’émancipation entravée, L’idéal au risque des idéologies du XXe siècle aux éditions La Découverte.