En pleine crise algérienne, à quelques semaines du retour du général De Gaulle au pouvoir, le combat culturel demeure au premier plan. A cette vente du « livre marxiste », on y annonce notamment la présence de nombreux ouvrages d’historiens et de nouvelles éditions des classiques du marxisme, ainsi que « le tome XVIII des Œuvres de Maurice Thorez ».
La lecture est une constante chez Thorez : il lit de nombreux livres, des classiques aux textes d’actualité. Le PCF se veut le « parti de l’intelligence française » ; du livre donc, mais aussi de l’art, de la culture. Picasso, Eluard, Aragon et bien d’autres fréquentent le secrétaire général. Celui-ci reçoit de nombreux livres dédicacés. La numérisation des dédicaces de sa bibliothèque effectuée par la municipalité d’Ivry (dont Thorez fut longtemps le député) permet de mesurer son large réseau de sociabilités et d’échanges.
Thorez appréciait particulièrement l’histoire, tout particulièrement celle des luttes populaires, avec une place spécifique dédiée à la Révolution française. Lui qui avait connu son ascension politique au cours de la période du Front populaire (1936-1938) accordait une place de choix à l’histoire de 1789 et de 1793. Et nombre des historiens les plus célèbres de la Révolution appartiennent alors au PCF, ou en sont proches. Dans son Journal, Thorez lit ainsi avec attention Georges Lefebvre (1874-1959), l’historien de la « grande peur » de l’été 1789, socialiste avant de devenir compagnon de route du PCF à la Libération. Thorez lit aussi un Babeuf du jeune historien Claude Mazauric (né en 1932). Babeuf, que Karl Marx considérait comme membre du « premier parti communiste » agissant. Mais l’historien le plus présent dans la presse communiste est alors Albert Soboul (1914-1982), qui achève en 1958 une thèse de doctorat sur les Sans-culottes et le gouvernement révolutionnaire. A cette date, il a déjà publié de nombreuses contributions et synthèses sur l’histoire de la décennie 1789-1799.
La presse communiste rend régulièrement compte de ses travaux. Par exemple la revue du MRAP (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples) Droit et liberté, alors proche du PCF publie, sous la plume de Gilbert Mury, le 15 novembre 1948 un compte-rendu d’une synthèse de Soboul alors que vient d’être fondé l’État d’Israël ; occasion de revenir sur ce qui fait l’essence d’une nation :
« Au moment où, dans le Proche-Orient, Israël affirme par la force des armes la réalité d’une nouvelle nation, le livre que M. Albert Soboul consacré à la Révolution française trouve un regain d’actualité.
Il s’agit en effet pour lui de montrer comment notre pays ‘cet agrégat de peuples désunis’ sous l’Ancien Régime – selon la formule de Mirabeau – est devenu une réalité vivante.
Et, ce qui frappe en 1789, comme au XXe siècle, c’est la rapidité avec laquelle la nation se constitue. Comme si toutes les conditions de cette naissance se trouvaient déjà réunies. »