Mais il n’échappe à personne que les seize petits prévenus n’en mènent pas large et leurs déclarations devant le tribunal entrouvrent un rideau pathétique sur une vie de misère, de taudis et de violence.
Leurs parents sont parfois dans la salle. Si plusieurs mères implorent les magistrats, si des petits patrons témoignent en faveur de leur apprenti, d’autres réclament qu’on les enferme définitivement. Une belle-mère supplie ainsi la cour de la débarrasser de ce « mauvais sujet ».
« Il est intelligent ? » demande le juge à propos d’un autre. « Il est de trop », répond un père.
Leur défenseur, un militaire, réclame que l’on « maudisse les parents de ces infortunés qui les ont abandonnés, et sont par conséquent la première cause du crime ». Le procureur demande à ce qu’ils soient rendus à leur famille.
Pour le Courrier de Saône-et-Loire, tout est bien qui finit bien :
« Le conseil a pensé que quatre mois de détention préventive était une punition suffisante, et il a acquitté les seize accusés qui ont tous déclaré que la misère et la faim les avaient poussés dans cette terrible aventure.
Espérons que cette leçon leur profitera et que ces petits communards inconscients deviendront de bons ouvriers. »
Mais tous ne seront pas réclamés. Dix seront dirigés vers une maison de correction, jusqu’à leur vingtième année.
D’autres gosses de Paris seront jugés durant les mois qui suivront, et astreints au même verdict. Implicitement, silencieusement, la transgression des petits soldats de la République sera rectifiée par le verdict moral énoncé contre ceux de la Commune.
Les Pupilles de Paris seront toutefois vite oubliés, rangés parmi les « vauriens » ; on les verra bientôt remplacés par les Apaches des fortifs’ dans les feuilles judiciaires.
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Édouard Sill est historien. Il est chercheur associé au Centre d’Histoire Sociale des Mondes Contemporains.