En août, il rendra hommage à la photographe Gerda Taro dans Ce Soir. En 1939, au moment où la République espagnole s’effondre, il fait encore partie de ceux qui organisent des collectes pour « sauver les intellectuels espagnols », en se substituant « aux pouvoirs publics une fois de plus. Il faut accueillir ceux qui sont déjà libres d'entre les intellectuels et faire libérer les autres. » C’est donc assez logiquement, qu’en mars 1937, la presse communiste évoque la publication en recueil de sa pièce Le Cœur à Gaz, présentée pour la première fois en 1921.
Que pense-t-il au moment du pacte germano-soviétique en 1939 ? La presse ne nous le dit pas. La suite de son histoire, c’est un engagement résistant avec des poèmes clandestins, et des publications pour les journaux, en particulier dans Les Lettres françaises clandestines. En 1946, Pierre de Massot pour Ce soir reprend le fil de son parcours à l’occasion de la publication de son recueil de poèmes intitulé Terre sur Terre. Le journaliste rappelle ainsi qu’« au début de la guerre, Tzara se retire à Aix-en-Provence. »
« Lorsque les nazis franchissent la zone dite libre, il gagne Toulouse et entre au maquis avec son fils. Il publie clandestinement un poème : ‘Une route, seul soleil’, dont les quatre premières lettres désignent l’U.R.S.S. »
Exilé dans le Lot, lui aussi dans la clandestinité du fait de ses origines juives, Tzara anime le Conseil national de la Résistance pour la zone sud-ouest. Il n’est pas encore communiste mais de plus en plus engagé aux côtés du Parti. A l’heure de l’épuration, il s’attaque ainsi dans Les Lettres françaises au pacifisme intégral de Jean Giono dans un long article intitulé « Le romancier de la lâcheté » :
« Cet habile marchand de mots, marchand de vies humaines, marchand tout court, ce bonimenteur, les écrivains français ont décidé de l'exclure du rang de ceux pour qui le métier d'écrire n'est pas seulement une habileté, mais une dignité, un honneur, une justification, une grâce et surtout une grande honnêteté envers soi-même et les autres. »
Le basculement dans les rangs des militants du parti communiste se fait définitivement en 1947, avec le début de la Guerre froide, au moment où il faut « choisir son camp ». Mais c’est aussi l’année où Tristan Tzara est naturalisé français.
Cette année-là, à la suite de la publication de son recueil de Morceaux Choisis, Tristan Tzara fait un peu plus parler de lui dans la presse. Après les articles sur la lecture-spectacle de La Fuite (écrit en 1940) au Vieux colombier en 1946, c’est bien sûr avant tout la presse d’obédience communiste qui ne tarit pas d’éloge sur le poète, en particulier Les Lettres françaises. Pour l’hebdomadaire dirigé par Louis Aragon depuis la Libération, la poésie de Tzara, qualifiée « d’une richesse exceptionnelle », « s’épanche d’une telle coulée qu’elle atteint parfois, non la perfection, mais une puissance d'envoûtement qui en tient presque lieu » (Les Lettres françaises, 8 août 1947).
L’année suivante l’hebdomadaire communiste réitère en proclamant :
« Tzara occupera demain une place plus grande encore que celle qu’il occupe à l’heure actuelle grâce à son extraordinaire faculté de renouvellement mais aussi grâce à son génie verbal. »
Ce ne sont malgré tout pas que des journaux communistes qui le complimentent. Ainsi, la revue littéraire Les Cahiers du Sud où écrit son ami Jean Caillois, le cite dans un article sur la poésie d’avant-garde en disant :
« Tristan Tzara est demeuré dans le maquis du Lot le précurseur poétique d’il y a trente ans. »
Les critiques négatives se comptent sur les doigts d’une main. En 1946, J. Renaut dans Les Étoiles déconstruit le portrait qui s’est peu à peu formé autour du poète communiste. Pour le journaliste, ce dernier n’aurait « pas la place qu’il mérite comme poète. » L’article insiste alors sur la légende de Tristan Tzara en tant que « poète difficile » ou « poète obscur ». Le journaliste résume ses propos en disant que les caractéristiques qu’on attribue à Tzara dans la presse pourraient être attribuées à n’importe quel poète doué.
Un article du 25 mars 1948 du journal de la nouvelle centrale syndicale Force Ouvrière, créée au début de la Guerre froide, va plus loin, jusqu’à railler le nom du mouvement fondé par Tzara, qui l’aurait trouvé « en ouvrant un dictionnaire au hasard ». Cet engagement contre le poète n’est sans doute pas anodin. En effet, pour la centrale réformiste née d’une scission de la CGT en 1947 avec l’appui du syndicat américain AFL, l’heure est à la Guerre froide. L’objectif est de contrecarrer l’influence des bolchéviques pur jus.