Les sorts mystiques de la cartomancienne de Napoléon
La célèbre cartomancienne Marie-Anne Lenormand fut consultée pendant des décennies par des personnages politiques tels que Napoléon, Robespierre ou encore Saint-Just...
5 rue de Tournon, à Paris. Une plaque : "Mademoiselle Lenormand, libraire". C'est là, au coeur du faubourg Saint Germain, que Marie-Anne Lenormand (1772 - 1843) a reçu pendant près de quarante ans les plus importants personnages politiques de l'époque.
Le Temps revient sur le parcours hors norme de cette jeune Normande que rien ne prédisposait à côtoyer les grands de son siècle :
"Ça lui était venu, alors qu’elle était enfant au couvent des bénédictines d’Alençon, ville où elle était née. À sept ans, elle prédisait l’avenir à ses compagnes de pension. Des bénédictines, elle passa à la Visitation, se montra élève studieuse, d’esprit vif, d’imagination ardente — si ardente que placée en apprentissage chez une couturière de la ville, elle se sentit invinciblement attirée par le prestige de Paris. Elle y débarqua un beau jour, n’ayant pour tout bagage que sa robe et un chapeau pouf, et pour toute ressource qu’un écu de six livres. C’était deux ou trois ans avant 1789. [...]
Anne-Marie, sans place, connut, dans l’hôtel garni où elle s’était logée, une tireuse de cartes, Mme Gibert, et un garçon boulanger nommé Flammermont. II faut vivre : tous trois unirent leur industrie : Flammermont « levait les clients » ; Mme Gibert consultait les tarots ; la Lenormand, transformée en jeune Américaine, lisait l’avenir dans « le livre du destin ». On était très superstitieux à l’époque de la Révolution, et l'association prospéra."
En 1856, Le Figaro ironise sur ses prétendus pouvoirs :
"Celle-là était bien de son siècle ; — elle tirait les cartes aux sceptiques et rassurait les crédules. — Quand le destin s'était mal levé, elle savait faire excuser ses brusqueries d'autocrate, en en adoucissant la forme. — Quand l'avenir avait la face menaçante, elle vous le montrait de profil..."
Avant de raconter :
Vous frappiez, le cœur ému... Un vieux domestique vous introduisait dans un petit salon, où sont venus, à tour de rôle, bien des grands de ce siècle... On voyait sur les murs les portraits de toute la famille de Charles X, les Fumeurs de pipe de Rembrandt, un Greuse admirable et deux Mignard de grand prix. Un coup de sonnette indiquait le moment de votre entrée chez la nécromancienne. Vous la trouviez dans un vaste cabinet, meublé en bois d'érable, et dans lequel on distinguait le portrait de la Sybille, peint par Isabey, et exposé au salon de 1825. [...]
M. de Talleyrand lui fit de fréquentes visites sous la République et le Directoire, et même il épousa madame Grand par son entremise et ses sollicitations. Nous avons sous les yeux une lettre de ce diplomate, écrite de sa main, et qui commence ainsi : « Illustre Sybille, tu ne me prédiras donc que des malheurs !... » [...]
Mademoiselle Lenormand a laissé plusieurs milliers d'autographes, parmi lesquels une liasse de lettres de Saint-Just, de Robespierre et des principaux révolutionnaires."
Dans ses mémoires, qui comportent pas moins de trois volumes, Marie-Anne Lenormand livre quelques anecdotes sur ces grands hommes qui venaient la consulter, humbles et tremblants. Sur Robespierre, elle écrivit ainsi :
"C'était un homme sans caractère. Superstitieux à l'excès, il se croyait envoyé par le Ciel pour coopérer à une entière régénération de la société. Je l'ai vu, en me consultant, fermer les yeux pour toucher les cartes, frissonner même à la vue d'un neuf de pique... J'ai fait trembler ce monstre, mais peu s'en fallut que je ne devinsse sa victime..."