Écho de presse

L'élection surnaturelle de l'actuel dalaï-lama

le 07/07/2020 par Pierre Ancery
le 02/11/2017 par Pierre Ancery - modifié le 07/07/2020
Le Journal, 22 février 1940 ; source RetroNews BnF

Né dans une famille paysanne, le 14e et actuel dalaï-lama fut reconnu par le clergé tibétain, en 1937, comme la réincarnation de son prédécesseur. Il avait alors deux ans.

Deux ans : c'est l'âge qu'avait l'actuel dalaï-lama lorsqu'il fut désigné pour succéder au 13e tenant du titre. Pourtant, rien ne destinait Tenzin Gyatso, né sous le nom de Lhamo Dhondup le 6 juillet 1935 dans une famille paysanne du nord-est du Tibet, à devenir le nouveau chef politique et spirituel du peuple tibétain.

 

Après la mort du 13e dalaï-lama en 1933, le clergé tibétain se met en quête de son successeur. Mais la tâche n'est pas aisée, comme l'explique le Paris-Soir du 27 mars 1936 :
 

« Selon la religion thibétaine, le Dalaï Lama est le dieu lui-même, l'incarnation vivante du Bouddha qui survit éternellement parmi les hommes en changeant seulement son enveloppe terrestre. Quand il meurt, son âme immortelle ne quitte son corps périssable que pour entrer dans celui d'un enfant né à l'instant même où le Dalaï Lama a succombé.

Il s'agit donc de rechercher Bouddha qui vient de se réincarner une fois de plus. Le Thibet [sic] compte trois millions d'habitants. Aussi les enfants nés à cette date sont généralement assez nombreux. »

 

Pendant quatre ans, les pèlerins cherchent dans tout le pays l'enfant en question. Des centaines de candidats sont examinés. Mais comment ne pas se tromper ? Des rituels de vérification complexes existent. L'enfant doit en particulier reconnaître des objets ayant appartenu au 13e dalaï-lama  ceux-ci lui étant présentés au milieu d'objets banals, sans aucun indice.

 

En 1937 enfin, après plusieurs fausses annonces, la presse française rapporte la découverte de « l'enfant divin ». On lit ainsi le 23 juillet, toujours dans Paris-Soir :

 

« On annonce officiellement qu'un enfant de deux ans et demi, fils d'un éleveur des plaines du Koukou Nor, a été reconnu comme la réintégration du Dalai Lama, chef suprême de la théocratie thibétaine, mort à Lhassa en décembre 1933. »

 

C'est à Takster, dans la province du Qinghai, qu'a eu lieu la découverte. Selon la légende, devant les membres de la mission qui se présentent comme de simples pèlerins, le petit Lhamo Dhondup, quatrième d'une fratrie de 16 enfants (dont 7 dépassèrent la petite enfance), reconnaît les objets de son prédécesseur. D'après le témoignage de sa mère et des membres de la mission, il s'adresse même à ces derniers en dialecte tibétain de Lhassa... la langue de sa précédente incarnation !

 

Lhamo, qui a été placé dans le monastère de Kumbum, est transporté à Lhassa en 1939. L'Ouest-Éclair du 21 juillet (qui ne cite pas ses sources) le décrit comme ayant « des yeux perçants, un tempérament calme et un port plein de dignité ». « Il n'est nullement gêné en présence des étrangers », ajoute le quotidien cette phrase se retrouve dans la plupart des journaux parus au même moment.

 

Le 23 août, l'enfant est officiellement proclamé 14e dalaï-lama sous le nom de Tenzin Gyatso. Il s'installe au palais du Potala le 22 février 1940, devenant à l'âge de quatre ans le chef religieux et politique de toute une nation.

 

Entre deux dépêches liées à la guerre, la presse publie la photo du jeune leader bouddhiste : on y reconnaît les traits de celui qui aujourd'hui, à l'âge de 82 ans, et bien qu'il ait renoncé à son pouvoir temporel en 2011, détient toujours le titre de dalaï-lama.

 

En 1959, neuf ans après l'invasion du Tibet par l'armée chinoise (octobre 1950), le dalaï-lama sera obligé de fuir son pays et de trouver refuge en Inde. Il y vit aujourd'hui encore, à Dharamsala, sur les contreforts de l'Himalaya.

Notre sélection de livres

Description du Tibet
Peter Simon Pallas
À Lhassa, la ville interdite
Perceval Landon
Bouddha
Jules Claretie
Les Origines du bouddhisme
Auguste-François Deschamps
Le Bouddhisme
Jean-Baptiste Thomas