Écho de presse

Comment le sapin de Noël est arrivé en France

le 01/02/2023 par Pierre Ancery
le 24/11/2022 par Pierre Ancery - modifié le 01/02/2023

Né dans les pays scandinaves et germaniques, l'arbre de Noël ne s'est imposé dans toute la France qu'après la défaite de 1870, avec l'émigration des Alsaciens protestants. 

Il faut remonter très loin dans le temps pour trouver l'origine de l'arbre de Noël. Les Celtes célébraient déjà le solstice d'hiver en décorant un arbre, symbole de vie et de renaissance, avec des fruits, des fleurs et du blé. Par la suite, la décoration de l'arbre de Noël devint une tradition essentiellement protestante et germanique.

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Au XIXe siècle, elle est encore scrutée comme une coutume exotique par la plupart des Français. En 1853, Le Moniteur universel s'intéresse ainsi dans un long article à cette façon particulière de fêter Noël, « première » des fêtes chrétiennes dans le nord de l'Europe (alors qu'en France c'était plutôt Pâques qui avait ce titre) :

« Les peuples du nord attribuent à la fête de Noël un magnifique caractère. C'est, à leurs yeux, la première, la plus grande de toutes les fêtes [...]. La première chose qui frappe, en entrant dans le salon de réception, c’est l’arbre de Noël, beau sapin nouvellement coupé qui déploie au milieu de la pièce ses branches verdoyantes, chargées de lumières, de fleurs, de fruits et de friandises [...].

L'arbre de Noël est probablement un souvenir du frêne Ygdrasill, cet arbre du monde célébré par l'Edda, dont la couronne était humectée par un nuage brillant, source de la rosée, et qui s'élevait, toujours vert, au-dessus de la fontaine d'Urda. »

En 1869, Le Français consacre lui aussi un article à cette tradition si typiquement germanique. Le journaliste, qui écrit depuis Berlin, explique que les étrennes en Allemagne ont lieu le jour de Noël, et non au jour de l'An comme en France :

« Aujourd’hui, c’est, pendant la semaine qui précède Noël, une des préoccupations les plus graves de chaque mère de famille allemande d’installer convenablement dans le salon l’arbre de Noël, de lui faire sa toilette et de suspendre à ses mille rameaux les cadeaux qu'on destine aux jeunes membres de la famille [...]. C'est à Noël que les Allemands échangent entre eux les présents que les Français réservent pour le premier janvier. »

En France, l'arbre de Noël n'est alors présent que dans l'Alsace protestante. C'est de là qu'il va s'imposer dans le reste du pays à la fin du XIXe siècle. Après la guerre de 1870 et l'annexion de l'Alsace-Lorraine par l'Allemagne, de nombreux immigrés de l'est de la France vont s'installer dans d'autres régions, apportant avec eux cette vieille tradition.

En décembre 1874, Le Petit Journal consacre sa une à une coutume qui, pour l'heure, est encore un symbole de l'émigration alsacienne, organisée à Paris autour d'une société qui fournit aide, travail et parfois abri à la communauté expatriée.

« Paris, qui a donné une si large hospitalité aux Alsaciens-Lorrains restés Français, qui a remplacé pour eux la patrie perdue, qui a su trouver, malgré sa détresse, du pain et un asile pour tous ceux qui ont eu recours à lui, Paris, dont le cœur est ingénieux s'est assimilé la Noël alsacienne, afin que les pauvres exilés se retrouvent dans leur cher pays natal [...].

L'Arbre de Noël est, en effet, une réunion générale des Alsaciens-Lorrains ; tous, les plus riches, les plus haut placés dans la hiérarchie sociale, ils tiennent à l'honneur de fraterniser avec les plus pauvres et les plus humbles. Mais c'est pour ces derniers que le symbole de la patrie alsacienne est plus particulièrement touchant [...]. Aux pauvres, aux malheureux, l'Arbre de Noël apporte, avec une joie et un heureux souvenir, un bien-être matériel et un secours. »

Parler de l'arbre de Noël, dans la presse d'alors, c'est aussi évoquer à travers lui la perte humiliante de l'Alsace-Lorraine. Et donc stimuler le désir de revanche... On le voit par exemple dans cet article tout en sous-entendus paru en 1873 dans Le Siècle :

« Supposez maintenant que les événements vous aient jeté loin des lieux de votre enfance, que le pays aimé vous ait été violemment arraché : ce ne sera pas sans une vive émotion que vous verrez se dresser encore l'arbre de Noël, surtout si vous voyez réunis autour de ses branches les amis, les voisins, rejetés au loin comme vous par l'émigration, surtout encore si cet arbre autour duquel vous êtes rassemblés a poussé dans la terre que vous voudriez encore fouler sous vos pas. » 

Avec le temps, l'arbre de Noël va toutefois perdre sa connotation politique et régionaliste – de la même manière que le jour de Noël va peu à peu perdre sa couleur religieuse pour beaucoup de Français – pour devenir une coutume liée  aux cadeaux et à la famille.