Le premier saut en parachute de l’histoire
Le 22 octobre 1797, le physicien français André-Jacques Garnerin est le premier homme de l’histoire à réussir un saut à l’aide d’un parachute sans cadre.
André-Jacques Garnerin est un physicien parisien, élève de Jacques Charles, l’inventeur du ballon à gaz. Après de longues années passées à étudier le vol des montgolfières, il pense avoir enfin construit un modèle sans cadre rigide qui lui permettrait de sauter en plein ciel, depuis la nacelle d’un aérostat.
En août 1797, le jeune homme âgé de 28 ans effectue une première tentative dans le jardin Biron à Paris. Comme le rapporte un rédacteur du Républicain François, la capitale est en effervescence, quoique l’expérience se révèle pour le moins décevante.
« Tout Paris remplissoit, hier, non seulement le jardin Biron, mais les boulevards, les Champs-Élysées, les Tuileries, les quais, et tous les lieux où l’on espéroit voir ce spectacle. […]
Loin de s’élever lui-même, M. Garnerin n’est pas même parvenu à enlever son ballon ; il a rappelé l’aventure de l’abbé Miolan, et est devenu comme lui l’objet de la risée et des plaisanteries des curieux trompés. »
Sûr de lui et de ses calculs, le physicien Garnerin ne renonce pour autant pas à son ambitieux projet. Ainsi, trois mois après le fâcheux incident du jardin Biron, il se sent prêt à renouveler l’expérience. C’est ainsi que le 22 octobre 1797, vers cinq heures et demie du soir, l’intrépide physicien a de nouveau réuni, au parc Monceau cette fois, une foule plus ou moins sceptique venue assister à cette nouvelle « expérience aérostatique » à bord d’un ballon gonflé à l’hydrogène.
Contrairement au parachute utilisé par Garnerin lors de la précédente tentative, qui présentait « la forme d’un parapluie plié qui devait s’étendre dans la chute », on apprend par le rédacteur du Journal des hommes libres de tous les pays que le nouveau prototype du physicien se présente cette fois sous la forme d’un engin « tout tendu par des cercles de bois au moment même de l’ascension ».
« Ces cercles lui donnaient assez parfaitement la forme d’une cloche de machine pneumatique, ou d’une cloche à melon. […]
Cette machine était attachée sous le ballon, et du cercle inférieur qui la terminait pendait par plusieurs cordons la nacelle, où était Garnerin. »
Dès les premières minutes, l’un des cerceaux qui tient le parachute tendu se brise sous la pression des cordes qui retiennent le ballon. Il s’agit d’un camouflet, qui ne décourage absolument pas Garnerin, lequel s’élance vaille que vaille dans la nacelle avec le plus grand sang-froid.
Mais tandis que la nacelle est poussée par un vent doux vers la plaine, et que le ballon atteint alors la hauteur de 500 toises (environ 900 mètres), le scientifique coupe les cordes reliant le ballon à la nacelle, laissant subitement tomber celle-ci « comme une masse » en même temps que s’échappe une forte quantité de gaz.
Après plusieurs angoissantes secondes de chute libre, le parachute s’ouvre enfin, au grand soulagement du public qui regarde, le nez en l’air, l’évolution du physicien dans les nues.
Puis, tandis que Garnerin amorce paisiblement son retour en direction de la terre ferme, après avoir parcouru environ le quart de l’espace qui le sépare de la terre, une « oscillation immense » ébranle le parachute.
Le mouvement furieux entraîne la nacelle dans un dangereux balancement, allant jusqu’à décrire un arc de cercle. Le public présent et les journalistes sont pétrifiés :
« À ce spectacle, des cris de frayeur s’élèvent de toutes parts, on croit voir le parachute prêt à se retourner sens dessus dessous, on croit voir la nacelle renversée, et son fardeau lancé à terre par la force du balancement ; cependant la descente s’accélère ; il est bientôt au-dessous du niveau du jardin ; on court vers la campagne ; il est à terre ; il est relevé, il revient avec vitesse.
Une voiture, des chevaux s’empressent ; il entre dans le jardin, au milieu des plus vifs applaudissements. »
Après ces émotions, tous s’empressèrent de féliciter le jeune savant et de lui accorder le triomphe qu’il mérite. Le Journal des hommes libres de tous les pays le qualifie, un peu hâtivement, d’homme « le plus courageux du siècle ».
« Cette expérience vraiment étonnante, dont la seule annonce devait inspirer le plus grand intérêt, non seulement au public, mais encore au gouvernement qui y devait voir un nouveau moyen d’utiliser les ballons, surtout en temps de guerre, manquée une première fois par un accident, n’avait valu à l’auteur que les plus injurieux sarcasmes.
Aujourd’hui qu’elle a réussi, les dangers qui l’ont accompagnée, l’inquiétude qu’elle a commandée, ont fait de Garnerin l’homme le plus courageux du siècle ; c’est ainsi qu’il a été salué hier après sa descente. »
Aujourd’hui encore, une plaque commémorative installée dans le parc Monceau à l’emplacement de l’atterrissage de Garnerin rend hommage à l’ingéniosité et au courage de l’inventeur du parachute sans cadre.
En 1799, Jeanne Labrosse, qui deviendra plus tard son épouse, sera la première femme à sauter en parachute.