Écho de presse

L’ouverture de la première galerie de paléontologie en France

le 14/07/2018 par Arnaud Pagès
le 30/05/2018 par Arnaud Pagès - modifié le 14/07/2018
Fossile de diplodocus au Museum d'Histoire naturelle, Agence Rol, 1908 - source : Gallica-BnF

Le 22 juillet 1898, le Museum d'Histoire Naturelle inaugure un bâtiment flambant neuf dédié à la paléontologie, à l'anatomie comparée et à l'anthropologie. Le succès est immédiat.

À la fin du XIXe siècle, les fossiles et les spécimens que les chercheurs et les paléontologues ont collecté à travers le monde s'entassent à la limite de la saturation dans la galerie d'Anatomie comparée du Muséum d’histoire naturelle, créée par le naturaliste Georges Cuvier plusieurs dizaines d'années auparavant.

En 1891, prétextant que le Museum allait bientôt fêter ses cents premières années d'existence, le professeur Albert Gaudry, titulaire de la chaire de Paléontologie, accompagné de ses homologues Georges Pouchet pour l'Anatomie comparée et Armand de Quatrefages pour l'anthropologie, déposent officiellement une demande auprès d'Edmond Frémy, directeur du Museum, pour qu'un nouveau bâtiment soit construit. Celui-ci ne tarde pas à donner son approbation.

Dès l'année suivante, l'assemblée des professeurs, présidée par Alphonse Milne-Edwards, un éminent zoologiste qui a pris la succession d'Edmond Frémy, se réunit pour définir les grandes lignes du projet. L'architecte Ferdinand Dutert, connu pour être le créateur de la Galerie des Machines lors de l'Exposition Universelle de 1889, est désigné pour dessiner les plans du nouvel édifice et pour constituer une équipe d'artistes et de sculpteurs qui s'occuperont des décorations extérieures et intérieures.

Les travaux débutent en 1893 et le bâtiment est achevé cinq ans plus tard. Face à la Seine, celui-ci est découpé en trois galeries, riches de très nombreux spécimens.

Dans son édition du 22 juillet, La Presse offre une visite gratuite de ces nouvelles galeries à ses lecteurs :

« Les nouvelles galeries occupent un magnifique bâtiment de forme rectangulaire qui s'étend à l'extrémité de la rue de Buffon et dont l'entrée principale fait face à la Seine ; la construction en a duré cinq ans et a coûté 3 millions.

La façade principale est ornée de divers motifs : les trois règnes de la nature qui ornent le fronton sont dus au sculpteur Allard ;  Walton a sculpté les lions et les grands tigres du chapiteau et Gardel un aigle enlevant un agneau.

Dans le vestibule, orné de sujets variés : crabes, serpents, insectes, notons un marbre de Freminet : singe étranglant un homme...

Le rez-de-chaussée est réservé à l'anatomie comparée.

Au premier étage sont installées les collections de paléontologie ; dès l'entrée on trouve les spécimens les plus anciens des êtres vivants : au fur et à mesure qu'on avance dans la galerie, on avance de même dans l'histoire des êtres organisés, franchissant à chaque pas l'intervalle de plusieurs siècles. »

Le projet initial de Ferdinand Dutert, qui prévoyait une grande galerie de 320 mètres de long rehaussée d'une double nef, a été abandonné au profit d'un ouvrage plus modeste.

Le rez-de-chaussée accueille les nombreux squelettes des collections d'Anatomie comparée tandis que le premier étage est dédié à la paléontologie et présente des spécimens d'animaux disparus, sous forme de moulages ou de squelettes fossiles, du mammouth au diplodocus en passant par le tigre à dents de sabre ou l'iguanodon.

Enfin, le second étage a été prévu pour servir d'écrin aux collections d’anthropologie – collections qui migreront finalement en 1937 au Musée de l’Homme.

L'inauguration a lieu le 22 juillet 1898, en présence de la presse, des professeurs du Museum et de plusieurs personnalités. Le lendemain, République Française, dans un article intitulé « Les nouvelles galeries du Muséum », s'en fait l'écho :

« L’inauguration des nouvelles galeries d'anthropologie, de paléontologie et d'anatomie comparée du Museum d'Histoire Naturelle a eu lieu hier après-midi, à trois heures […].

M. Milne-Edwards, directeur du Museum, a souhaité la bienvenue à ses hôtes dans le petit amphithéâtre aménagé à l'extrémité du bâtiment et que décore somptueusement les peintures de Cormon.

En un substantiel discours, il a fait rapidement l'historique du Museum, puis, de façon plus détaillée, celui des trois services installés dans les nouveaux bâtiments.

“Les trois chaires, dit-il, qui ont pis possession de ces nouvelles et vastes salles : l'anatomie comparée, la paléontologie et l’anthropologie, étaient contenus en germe dans notre ancienne chaire d'anatomie, dont elles sont une déviation et comme une conséquence.” »

Le même jour, le journal La Justice apporte à ses lecteurs des précisions sur les raisons qui ont poussé à bâtir ce nouvel édifice :

« Et le directeur du Museum expose la méthode d'après laquelle ont été rangées les collections autrefois “empilées comme des fagots dans un grenier” dit un rapport antérieur à l'administration de Cuvier et de Geoffroy Saint-Hilaire.

Cette méthode est d'ailleurs contenue toute entière dans les travaux de ces deux naturalistes.

Leurs successeurs ont su tirer des trésors entassés dans les salles un parti merveilleux et leur exposition nouvelle sera une véritable révélation. »

Dès le lendemain, les nouveaux espaces d'exposition sont ouverts au public qui découvre, ou redécouvre, les fabuleuses collections zoologiques et paléontologiques du Museum, enfin mises en valeur.

Les parisiens ont un véritable coup de foudre pour ces nouvelles galeries et le succès est immédiat.

Presque 140 ans après, les galeries d'Anatomie comparée et de Paléontologie n'ont presque pas changé et n'ont rien perdu de leur charme. Aujourd'hui, en plus des parisiens, ce sont également de très nombreux touristes qui profitent de l'initiative heureuse des professeurs Albert Gaudry, Georges Pouchet et Armand de Quatrefages.