1839 : l'incroyable découverte de la photographie
En 1839, grâce à Daguerre qui a mis au point un procédé révolutionnaire, la presse découvre avec stupeur les premières photographies. C'est le début d'une folie du « daguerréotype ».
Ce 7 janvier 1839, c'est une invention révolutionnaire qui est présentée par Arago à l'Académie des sciences : le daguerréotype, premier procédé photographique de l'histoire à pouvoir afficher et enregistrer une image permanente. Son inventeur, Louis Daguerre, a perfectionné le procédé de Nicéphore Niépce, l'inventeur de la photographie.
Dans la foulée, les journalistes découvrent avec stupeur les clichés de Daguerre. Le 14 janvier, Le Moniteur universel rend compte de l'extraordinaire « découverte de M. Daguerre » et s'efforce d'expliquer à ses lecteurs, dont la plupart n'ont jamais vu une photographie de leur vie, en quoi consiste le résultat :
« Figurez-vous une glace qui, après avoir reçu votre image vous rend votre portrait, ineffaçable comme un tableau et bien plus ressemblant […]. À chaque tableau mis sous nos yeux, c'était une exclamation admirative. Quelle finesse de trait ! quelle entente du clair obscur ! quelle délicatesse ! quel fini ! que cette étoffe est moelleuse ! [...]
Tout cela est admirable ; mais, disons nous, qui nous assure que cela n’est pas l'ouvrage d'un habile dessinateur ? qui nous dit que vous ne nous montrez pas des lavis au bistre ou à la sépia ? Pour toute réponse, M. Daguerre nous met une loupe à la main. Alors nous apercevons les moindres plis d’une étoffe, les lignes invisibles à l’œil nu d'un paysage. »
Même émerveillement chez les journalistes du Constitutionnel :
« Le dessin est d'une fidélité inconcevable ; les formes, les ombres, les décroissements de lumière, les teintes les plus délicates, les jours les plus indiscernables, tout est vrai comme la nature, puisque c'est la nature elle-même, dessinée et reproduite par la lumière, sans caprices d'imagination, sans idéal, sans système d'école, sans enjolivement ni parure. »
La Presse considère quant à elle que cette invention est une formidable nouvelle pour les artistes :
« On ne saurait trop apprécier l'utilité d'une semblable découverte, non seulement pour les gens du monde, mais surtout pour les artistes. Quelle perte de temps ils pourront éviter ! Que de matériaux ils pourront recueillir ! une vue perspective, des fragments dans un Musée, pourront s'obtenir en quelques minutes [...].
Ainsi donc, ce procédé, loin de nuire aux dessinateurs, leur procurera un surcroît d'occupation. Ils travailleront certainement moins en plein air, mais beaucoup plus dans leurs ateliers. »
Le Figaro, quant à lui, est d'un avis inverse, qui écrit en juin :
« Ainsi donc, c'est un fait accompli à cette heure, le dessin n'est plus ; l'art de la gravure expire ; mais en revanche le daguerréotype est trouvé ! »
Il y a aussi quelques « daguerréophobes », à l'instar du peintre Paul Delaroche qui s'écrie la même année : « À partir d'aujourd’hui, la peinture est morte »... Mais rares sont ceux qui vont résister au raz-de-marée qui submerge bientôt le pays.
Le brevet de Daguerre est acquis par le gouvernement français et l'Académie publie les détails du procédé en août 1839 : désormais, le monde entier peut le reprendre à son compte.
L'impact sur le public est énorme. Les premiers ateliers ouvrent et tous les bourgeois s'y précipitent pour avoir leur portrait : c'est le début d'une véritable « daguerréotypomanie ».
Pour Balzac, fasciné, ou Théophile Gautier, qui se fera lui aussi « daguerréotyper », c'est une invention qui relève de la magie. Dans la presse, on voit rapidement fleurir des publicités, telle celle de cet « ingénieur-opticien » de Toulouse qui écrit en 1840 :
« Qui ne voudra faire des tableaux au Daguerréotype ? Leur exactitude, le fini merveilleux des détails les rendent incomparables à tout autre produit des arts.
Qui ne voudra, au prix d'un sacrifice qui n’est pas bien considérable, posséder le moyen sûr et facile de prendre l'image fidèle comme il n’en fut jamais des monuments, d'une ville entière, des paysages, des bas-reliefs, des tableaux, de faire même les portraits ! »
Certains commercialisent même des « daguerréotypes portatifs » :
Le procédé, immensément populaire pendant toutes les années 1840, sera peu à peu éclipsé par de nouvelles techniques permettant la reproduction et le tirage sur papier, ce que le daguerréotype ne permettait pas.
Ce sera le début de la photographie telle que nous la connaissons aujourd'hui.