
1880-1950 : Aux origines de la télévision française
Avant que la « petite lucarne » n’envahisse les foyers français dans le courant des années 1950, il s’en est fallu d’une série de trouvailles fortuites et d’intuitions géniales étalées sur presque un siècle.
Tout part d’une première découverte cruciale – et quasi accidentelle – par deux chimistes suédois au début du XIXe siècle, celle du sélénium.
« C’est en 1817 que Berzelius et Gottlieb Gahn découvrirent le sélénium, à Gripsholm, en cherchant à préparer de l’acide sulfurique au moyen des pyrites de fer.
Le nouveau corps simple offrait de grandes analogies chimiques avec le tellure (de tellus, terre) ; on le nomma sélénium (de sélène, lune). Il y a, cependant, de grandes différences entre ces deux corps au point de vue des propriétés électriques. Le tellure est un excellent conducteur de l’électricité ; le sélénium est, au contraire, mauvais conducteur. […]
C’était une simple curiosité chimique. »
En effet, personne ne lui trouve d’usage concret pendant un bon demi-siècle. Jusqu’à ce qu’un ingénieur anglais, Willoughby Smith, ne lui découvre une singulière propriété.
« Le 12 février 1872, M. Willoughby Smith annonça que son aide M. May, attaché au télégraphe transatlantique, venait de découvrir ce fait très singulier qu’une baguette de sélénium exposée à la lumière acquérait brusquement un pouvoir conducteur de l’électricité considérable. »
Les imaginations scientifiques s’enflamment autour de cette nouvelle découverte. Et si cet élément, le sélénium, permettait de transmettre des images à distance ?
C’est sur ce postulat que trois chercheurs travaillent chacun de leur côté et aboutissent aux mêmes conclusions, quasiment à la même période, en 1880. En théorie, grâce à un appareil nommé diaphote, teletroscope ou photophone selon ses inventeurs potentiels, il serait possible « d’accompagner » les « appels téléphoniques de l’image »…
« Vous verrez votre interlocuteur, et il vous verra. Vous lirez réciproquement sur vos lèvres les paroles échangées. Vous vous verrez l’un l’autre comme dans une glace ; dessin, couleur, relief, mouvement, tout y sera, et le cadre : salon ou boutique.
Le fournisseur étalera devant vos yeux les objets entre lesquels vous aurez à choisir. Avant de partir pour le bal où elle devra rencontrer le seul mortel dont le goût est le seul qui lui importe, une dame se montrera télétroscopiquement (!) à cette haute autorité et lui demandera : Suis-je bien ?
Vous assisterez de chez vous à la revue de Longchamps, à une tempête sur la Manche, aux évolutions de l’escadre de la Méditerranée et aux levers du soleil dans les Alpes. »
Le passage de la théorie à la pratique s’avère cependant plus compliqué à canaliser que les torrents d’imagination qu’il ne manque pas de susciter. Il faut attendre 1909 et les expériences d’Ernst Ruhmer pour que la recherche dans le domaine connaisse une avancée digne de ce nom : le physicien allemand fait une démonstration publique à Bruxelles d’un appareil constitué de 25 cellules de sélénium.
Un mois plus tard, le jeune Georges Rignoux et son professeur de physique A. Fournier construisent un écran composé de 64 cellules juxtaposées. Si le terme de télévision s’est déjà répandu au-delà de la communauté scientifique, le binôme français lui préfère alors le nom de « téléphote ». Dans ce cas ou dans celui de Ruhmer, la faible résolution des écrans ne leur permet que de transmettre des formes...
Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée