Ces remarques laissent affleurer une homophobie latente, souvent de mise dans la description de ce bal à la réputation équivoque. Dans un article de Marianne en date du 21 février 1934, la chroniqueuse Jeanine Delpech traite avec un certain mépris ce qui lui apparaît comme une imposture de genre :
« Si certains travestis témoignent d’une verve comique réelle, combien apparaissent tragiques ces marquises à double biceps qui éventent avec affectation des visages où déjà la barbe perce sous la poudre. »
L’article évoque aussi des réactions moqueuses de la foule :
« À l’entrée, le bon public du quartier accable de quolibets les travestis qui arrivent deux par deux. »
Cette tonalité critique est très significative du changement de regard porté sur l’inversion à partir des années 1933-1934, tout particulièrement après la disparition d’une grande figure « gay » de la nuit parisienne, Oscar Dufrenne, assassiné le 25 septembre 1933, probablement par un amant de passage, déguisé en marin. Ce qui amusait les années « folles » inquiète désormais les années « crise », comme un symptôme de décadence.
Brièvement fermé après les émeutes du 6 février 1934, Magic City semble avoir rapidement perdu son lustre, d’autant que les hommes travestis en femmes n’y étaient plus admis. Durant l’Occupation, la salle fut réquisitionnée par les Allemands puis détruite pour laisser place aux tous premiers studios de télévision, à l’époque destinés à la Wehrmacht. Ils devinrent, après-guerre, les « studios Cognacq-Jay », familiers aux premières générations de spectateurs du petit écran, mais bien éloignés des nuits très chaudes qui avaient enflammé le lieu.
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Pour en savoir plus :
Brassaï, Paris secret des années trente, Paris, Gallimard, 1976
Michel Carassou et Gilles Barbedette, Paris gay 1925, Paris, Presses de la Renaissance, 1981