Écho de presse

1936 : Entre les murs de la prison américaine de Sing Sing

le 28/05/2018 par Marina Bellot
le 18/12/2017 par Marina Bellot - modifié le 28/05/2018
Illustration : Vue aérienne de la prison de Sing Sing, 1920, Bain News Service - Source : WikiCommons

En 1936, Le Petit Journal propose à ses lecteurs une plongée entre les murs de la mythique prison de Sing Sing, dans l’État de New York, alors considérée comme un établissement modèle après avoir été célèbre pour la dureté de ses règles et châtiments corporels.

Sur l'une des collines bordant la rivière Hudson, se dressent les hauts murs de la prison de Sing Sing. Édifiée en 1825 sur un ancien camp indien de la ville d'Ossining (alors appelée Sing Sing), à une cinquantaine de kilomètres de New York, Sing Sing est à ses débuts célèbre pour la rigueur de ses règles et la dureté des châtiments corporels infligés aux détenus. 

Après plusieurs scandales, elle est largement modernisée au XIXe siècle et fait figure, dans les années 30, de prison américaine modèle. 

En 1936, le très populaire Petit Journal offre à ses lecteurs une plongée dans l'univers singulier de Sing Sing

« La prison est entourée d'une haute muraille, coupée par endroits de tours au-dessus desquelles un pavillon octogonal vitré permet de surveiller tous les mouvements des cours ; des projecteurs électriques y sont accrochés et l'on peut apercevoir dans chacune des tours une mitrailleuse montrant le soin avec lequel l'État de New-York surveille ses prisonniers. »

C'est d'abord à l'hôpital de la prison que s'arrête le reporter : tous les détenus y passent un bilan de santé complet dès leur arrivée, et des soins attentifs sont ensuite prodigués à ceux dont l'état le nécessite. 

« L'hôpital rappelle une maison de santé : salles d'opérations, de radio, pharmacie, cabinets dentaires, salles d'isolement, salles communes. Tout est d'une propreté rigoureuse. Dans la salle de radio, des photos sont exposées : — Cet homme avait avalé des aiguilles, on les lui a retirées...  — Et puis, dis-je, après ? — Après, on l'a mis sur la chaise électrique, mais il était guéri de son affection d'estomac. »

Autre particularité de Sing Sing : en même temps que l'examen physique, le détenu passe un examen d'instruction générale. Ceux qui n'obtiennent pas une note minima doivent obligatoirement suivre des cours destinés à combler leurs lacunes ; les autres peuvent se perfectionner dans les domaines les plus variés, de l'histoire aux mathématiques supérieures.

« Beaucoup de métiers sont appris à ceux qui n'en ont pas. Les hommes travaillent, tout en parlant et en fumant ; on n'imagine pas, en traversant les ateliers, visiter une prison.

— Les prisonniers peuvent lire des journaux ?

— Bien sûr, tous les jours, s'ils ont de quoi les acheter.

— Et les condamnés à mort ?

— Comme les autres, il n'y a pas de raison de les priver de nouvelles. »

Ce qui frappe le journaliste français, c'est qu'ici comme ailleurs aux États-Unis, l'argent est le maître — « quiconque en peut disposer peut obtenir tout ce qu'il veut ; la loi ne prescrit que la privation de la liberté »

Mais c'est en visitant les cellules que le journaliste est le plus stupéfait : 

« Toutes sont claires, beaucoup ont une vue directe ravissante sur l'Hudson, on ne se croit pas autorisé dans ce pays à interdire aux prisonniers même la vue de la nature. Ces cellules de taille raisonnable peuvent être embellies par leurs occupants, à leurs frais naturellement. Beaucoup ont, sur le sol de ciment, un linoléum de couleurs gaies, des cellules ont des rideaux et des dessus de lits assortis, d'autres ont leur garniture en soie, des coussins confortables garnissent le fauteuil ou la chaise.

Des photographies d'êtres chers sont disposées dans des cadres, aux portemanteaux, des pyjamas, souvent élégants, y sont accrochés.

— C'est un condamné pour la vie, me dit le garde en me montrant une cellule coquette comme la chambre d'une jolie femme. »

Les surprises ne s'arrêtent pas là : le reportage se poursuit par la visite d'un magnifique stade couvert où des détenus jouent au base-ball ou font de la gymnastique. 

Quant aux parloirs, ce sont eux aussi des modèles du genre :

« Ici, rien n'est oublié pour les mauvais garçons, ni les exercices de l'esprit, ni ceux du corps, rien n'est oublié, même le réconfort moral que peut apporter la visite des familles.

Dans l'immense parloir, les familles peuvent, cinq fois par mois, s'entretenir librement avec les prisonniers. Un seul gardien surveille tout ce monde. Chaque groupe formé du prisonnier et de ses visiteurs est assis autour d'une petite table ; tous peuvent s'entretenir librement. »

Sing Sing est aussi célèbre pour ses exécutions : c’est entre ses murs que tous les condamnés à mort de l’État de New York ont été exécutés entre 1891 et 1963. En tout, 614 détenus ont péri sur la chaise électrique de Sing Sing. 

La prison, qui existe toujours, apparaît dans de nombreux films, romans et chansons.