1930 : une balade dans le « Paris d'antan »
En 1930, l’Académicien Georges Lecomte invite les lecteurs de Paris-Soir à remonter le temps pour se figurer ce qu'était la capitale de la fin du XIXe siècle
Après la Première Guerre mondiale, c'est peu dire que Paris a connu de multiples bouleversements. La population s'est densifiée, automobiles et bicyclettes, omnibus et tramways ont envahi les rues. Exit les styles fin-de-siècle, l'époque est au renouveau de l’architecture. Des immeubles qu’on qualifiera bientôt d’Art Déco poussent à vitesse grand V sur les avenues et les boulevards, le béton armé devient le matériau le plus utilisé. Bref, au début des années 30, la capitale n'a plus grand chose à voir avec le Paris d’antan.
À l'heure où une frénésie toute contemporaine s'est emparée citadins, certains ont la nostalgie du vieux Paris. En 1930, l’Académicien Georges Lecomte (lui-même né en 1867) invite les lecteurs de Paris-Soir à remonter le temps pour se figurer ce qu'était la capitale de la fin du XIXe siècle :
« Par rapport à la vitesse, au tumulte, aux encombrements et aux flamboiements d'aujourd'hui, c'est déjà un bien vieux Paris.
D'abord la circulation y était moins rapide, torrentielle et grondante. Elle s'offrait plus pimpante et plus joyeuse aux regards du promeneur qui n'avait pas le sentiment de risquer sa vie en traversant la moindre rue.
Sur les trottoirs, même impression d'alerte promenade. Beaucoup de monde, certes, mais on ne se bousculait qu'à peine. Dans la plupart des quartiers de Paris se poursuivait une bonne petite vie quasi provinciale, juste assez animée pour qu'on ne s'ennuyât point, mais pas assez vertigineuse pour qu'on y prît la danse de Saint-Guy. »
En cette fin de siècle, Paris est encore loin d'être la grande ville anonyme des années 30 :
« Pour chaque îlot de rues, des cris, des rumeurs et des visages familiers.
Même sur les grands boulevards, à certaines heures on était sûr de retrouver, ou de reconnaître au passage, des écrivains, des chroniqueurs, des auteurs dramatiques qui flânaient en sortant de leur journal ou de chez leur éditeur, qui, à petits pas, après une répétition au théâtre sur le point de jouer une de leurs pièces, gagnaient quelque terrasse de café peuplée de camarades. »
L'époque décrite par Georges Lecomte est aussi celle du petit peuple parisien et de ses métiers depuis disparus, colleurs d'affiches, marchands ambulants et... cochers de fiacres :
« Les cochers de fiacre avec leur haut de forme blanc, leur redingote boutonnée, leur ample pèlerine, leur trogne souvent cramoisie et leur drolatique vocabulaire d'invectives, mettaient une note amusante dans ce tohu-bohu. »
C'est aussi une balade sur les traces de l’histoire révolutionnaire de Paris dans laquelle nous entraîne Georges Lecomte :
« Sur la place du Carrousel, devant ce qui fut la carcasse des Tuileries calcinées, s'alignaient les sinistres baraquements où l'on avait entreposé le service des Postes en attendant la reconstruction du bureau central de la rue Jean-Jacques-Rousseau, également incendié par la Commune. [...]
Lorsque, dans les mêmes parages, on passait autour du vaste quadrilatère que forme aujourd'hui la nouvelle gare d'Orléans, on apercevait, par les portes et les fenêtres béantes de la Cour des Comptes, également brûlée et toujours en ruines, une forêt vierge d'arbrisseaux et de plantes vivaces qui, depuis quinze ans avaient poussé sur le sol peu à peu recouvert d'humus, sur les moignons et les encorbellements d'étages non complètement effondrés. [...] Dans le brouhaha de Paris quel abri de silence et de recueillement ! »
Les statues de grands hommes peuplent alors les rues parisiennes, de Victor Hugo à Emile Zola, de Louis Pasteur à Georges Clemenceau, et à Rodin, Pissarro, Cézanne, Renoir...
« Et, sous l'Arc de Triomphe ne reposait pas le Soldat inconnu, représentant de seize cent mille français morts en espérant que, avec honneur et sécurité, la France jouirait enfin de la Paix. »