Écho de presse

1931 : les femmes peuvent voter en Espagne

le 25/05/2019 par Michèle Pedinielli
le 01/02/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 25/05/2019
Réunion politique féministe à Madrid, Paris-Soir, 1932 - source : RetroNews-BnF

La seconde République espagnole modifie sa constitution afin de donner le droit de vote aux femmes. En France, la question peine toujours à s’imposer.

Le 1er octobre 1931, les Cortès (le Parlement espagnol) font entrer le droit de vote des femmes dans la Constitution. C’est l’un des premiers gestes de la Seconde République espagnole. En même temps que cet article 34, est voté l’article 37 qui permet à « tous les Espagnols, sans distinction de sexe » de postuler à des emplois ou charges publiques.

« La Chambre a approuvé hier par 160 voix contre 121, l’article 34 de  la Constitution, accordant le droit de vote aux femmes ; l’âge électoral reste fixé à 23 ans. […]

Certains milieux politiques considèrent ce vote comme l’acte le plus important qui ait été accompli jusqu’ici par les Cortès républicaines. »

Pour aboutir, ce vote progressiste a étrangement réuni à l’assemblée des partis politiques de gauche et de droite.

« On fait remarquer que cette décision obéit à une politique commune des partis extrêmes, de gauche et de droite – d’un côté, les gauches socialistes et catalanes, de l’autre, les basco-navarrais catholiques et les agrariens : politique différente dans ses tendances, mais poursuivant le même but.

En effet, les socialistes comptent sur la remarquable organisation féminine qu’ils ont établie dans plusieurs grands centres d’Espagne, tandis que les basco-navarrais exercent une grosse influence sur les femmes dans les régions qu’ils représentent et qui sont, comme on le sait, attachées avec ferveur à l’Église. »

La question de l’inféodation du suffrage féminin à l’avis du clergé n’est pas nouvelle. En France, le parti radical refuse de s’engager fermement en faveur du droit de vote des femmes, perçues comme des êtres sous influence, attirées naturellement par la superstition religieuse. Le Journal s’inquiète.

« La suite des événements justifiera-t-elle cet optimisme qui n'était peut-être, après tout, que de la nonchalance ? Et donnera-t-elle raison aux augures qui prétendent qu'en accordant le bulletin de vote aux femmes l'Assemblée constituante a, d'ores et déjà, mis le sort de la République espagnole entre les mains du clergé ?

Il se peut que cette opinion soit possible et qu'elle explique le calme impressionnant avec lequel Rome a reçu le coup. »

À Bordeaux cependant, Adrien Marquet, maire socialiste de la ville, accueille quelques jours plus tard le Congrès de la Ligue des droits des femmes avec espoir.

« M. le maire de Bordeaux dit tout d’abord sa sympathie pour le féminisme. Il espère que les résistances du Sénat seront bientôt vaincues et que les élections municipales de 1935 auront lieu avec la participation des femmes.

Le maire de Bordeaux évoque à larges traits les raisons d’équité qui justifient le vote des femmes. L’Espagne vient de leur accorder le droit de suffrage, la France n'a plus de motifs de persister à le leur refuser. 

Il est probable, ajoute M. Marquet, que le droit de vote ne sera pas accordé totalement aux femmes, quelles ne jouiront vraisemblablement tout d’abord du droit de vote que pour les élections municipales et cantonales ; ce sera un premier pas vers la concession du droit de suffrage total. »

En 1932, sous le  titre « Où en est le vote des femmes en Espagne et en France », Le Petit Journal se montre optimiste, en citant l’action de Louis Martin, sénateur du Var, qui à chaque session, pose la question du vote des femmes.

« L’enterrement de la fameuse réforme électorale, rondement mené par la majorité du Sénat, laisse intacte à la Chambre une majorité acquise à l'entrée officielle des femmes dans la vie politique. […]

Au Sénat lui-même, une importante minorité, galvanisée par M. Louis Martin poursuit le même but avec la même conviction. Et, sans doute, électorat et éligibilité seraient déjà choses faites, s’ils avaient pour eux une opinion publique moins indifférente, et si, surtout, les femmes y donnaient une adhésion plus ardente. »

En 1936, le Front populaire est au pouvoir en France et la question du droit de vote des femmes se pose alors avec acuité. André Corthis, écrivaine lauréate du prix Femina, publie Du couvent aux Cortès, en revenant sur l’exemple espagnol. Elle rappelle que les Espagnoles ont déjà pu voter deux fois, et également accéder à des fonctions d’État importantes.

« Mme André Corthis est allée s’entretenir de l’autre côté des Pyrénées avec les Espagnoles les plus considérables comme avec les plus humbles et les plus illettrées.

C’est ce voyage pittoresque et varié, – oh ! combien – qu’elle nous convie aujourd’hui à faire avec elle. En reviendrons-nous féministes, ou, au contraire, persuadés de l’incapacité féminine en matière politique ?

C’est après avoir écouté la dévote et la libre-penseuse, l’ouvrière de la mine et l’oratrice carliste, la grande dame et la cigaretière, la danseuse et l’anarchiste, qu’il nous sera possible de répondre. »

1936 sera cependant pour les Espagnoles la dernière année où elles pourront exercer leur droit. Le régime franquiste, qui prend le pouvoir en 1939, n’organise plus que des plébiscites, simulacres de référendum. Il leur faudra attendre 1977, un an et demi après la mort du dictateur, pour reconquérir leur droit de vote.

En France, les femmes voteront pour la première fois aux élections municipales d’avril 1945.