Écho de presse

Second empire : les tramways hippomobiles font leur apparition à Paris

le 26/08/2018 par Priscille Lamure
le 09/07/2018 par Priscille Lamure - modifié le 26/08/2018
Tramway hippomobile parisien reliant Saint-Sulpice à Auteuil, Agence Rol, 1907 - source : Gallica-BnF

Au milieu du XIXe siècle, les premiers tramways parisiens, tractés par des chevaux, permettent de relier plusieurs points centraux de la capitale. Ils ne tomberont en désuétude qu'un demi-siècle plus tard.

Les premiers tramways français apparaissent dans la seconde moitié du XIXe siècle, à Paris. Ces moyens de transport utilisent alors, à défaut d’un quelconque carburant, un système de traction animale.

Le pionnier de l’installation de ces tramways hippomobiles est Alphonse Loubat, un ingénieur français ayant participé au perfectionnement de la ligne de tramway américain de Broadway – les Américains disposant déjà d’un réseau de tramway depuis les années 1830. Fort de son succès, Loubat dépose un brevet en 1852 et est autorisé à faire installer, dans le Paris du Second empire, une voie unique de tramway d’une longueur de deux kilomètres, reliant la Concorde à la barrière de Passy.

Cette voie promet d’accueillir deux petites voitures à double étage, permettant ainsi de transporter 50 voyageurs chacune, soit une capacité d’accueil deux fois plus importante qu’un omnibus.

À la fin de l’année 1853 débutent les premiers essais de mise en circulation du tramway. Malgré quelques déraillements à signaler, le système imaginé par Loubat, qui mérite encore d’être perfectionné, s’annonce une véritable aubaine pour les Parisiens.

«Hier a eu lieu, en présence d’un grand nombre de curieux, une seconde expérience sur le chemin de fer établi aux Champs-Élysées d’après le système de Loubat.

Nous avons dit que les rails de ce nouveau genre de locomotion étaient creux dans la plus grande partie du parcours de la voie, et que les voitures devaient être trainées par des chevaux. Aux endroits où il ne passe pas de voitures, c’est-à-dire le long des usines et de la pelouse du bas de Chaillot, les rails, au lieu d’être creux, n’étaient plus que de simples bandes de fer.

Mais là, d’assez fréquents déraillements avaient lieu, de sorte qu’on a dû renoncer à cette petite économie pour continuer toute la voie d’après le même système. Nous attendrons donc des expériences plus décisives pour nous prononcer en toute connaissance de cause.

Cependant, on peut dire d’avance qu’il y aura là, pour les voyageurs, économie de temps et d’argent, car, pour faire le trajet de deux kilomètres qui séparent Passy de la place de la Concorde, le prix des places ne serait que de 10 et 15  centimes. »

Le journaliste de La Presse est également séduit par l’esthétique de ce nouveau moyen de transport, de même que par sa grande capacité d’accueil :

« Les voitures sont d’une grande élégance. Larges et spacieuses, elles contiennent à l’intérieur seize places divisées en stalles, et vingt-quatre sur l’impériale.

De plus, sous une espèce de péristyle, formé par quatre colonnes supportant le siège du cocher, péristyle placé à l’avant et à l’arrière de la voiture et donnant accès à l’intérieur, six à huit personnes peuvent encore se tenir debout. Cinquante à soixante voyageurs pourraient donc ainsi y trouver place.» 

Face aux essais jugés encourageants, Loubat obtient, le 18 février 1854, une concession du ministère des Travaux Publics prévoyant la création d’un réseau d’autres lignes :

« Un décret impérial vient de concéder, pour trente ans, à M. Loubat, l’exploitation d’un chemin de fer, pour omnibus, entre Vincennes et Sèvres, avec embranchements sur Saint-Cloud et Bercy.

Ce chemin, qui suivra tous les quais de Paris, sera l’application en grand du système de rails à niveau, que l’on voit fonctionner aujourd’hui avec tant de succès aux Champs-Élysées [...].

Les grandes rues de New York sont déjà, depuis dix-huit mois, pourvues des rails de M. Loubat, qui ont l’avantage de ne gêner en rien la circulation des voitures ordinaires.»

Ainsi, grâce au système imaginé par Loubat et inspiré du modèle américain, Paris devint la première capitale d’Europe à développer un réseau de tramway. Celui-ci est d’ailleurs désigné, dans un premier temps, sous le terme de « chemin de fer américain » ou « chemin américain ».

Le succès de ces chemins de fer américains est immédiat selon le Journal des débats politiques et littéraires :

«La seule ligne de Boulogne a transporté dans l’année 1856 deux millions de voyageurs. Le prolongement de la ligne de Paris à Sèvres, entièrement construit jusqu’à Versailles, sera livré prochainement à la circulation.

En présence du trafic considérable de ces tronçons, on peut juger des résultats à venir. »

Dès lors, chaque grande ville de France rêve d’être dotée de ce formidable moyen de transport.

« Ces chemins américains sont aux grandes voies ferrées ce que sont les canaux aux rivières, les chemins communaux aux routes impériales ; ils en sont le complément indispensable.

Ils sont indispensables surtout à toutes les villes d’industrie et de commerce, qui, éloignées des grandes lignes, ne peuvent rester dans l’isolement. Les conseils généraux et les conseils municipaux ont fait des vœux unanimes pour l’établissement de ces voies si incontestablement utiles. »

Un an plus tard, en 1855, Alphonse Loubat est contraint de rétrocéder sa concession à la Compagnie générale des omnibus (CGO), qui se chargera se poursuivre l’exploitation de nouvelles voies de tramway destinées à relier Paris et sa banlieue.

À partir de la fin des années 1880 apparaissent de nouveaux modes de traction – air comprimé, vapeur, électricité – qui permettent de remplacer les chevaux. À l’occasion de l’Exposition universelle de 1889, les premiers trams à vapeur font leur apparition. Au début du XXe siècle, Paris est alors desservie par l’un des plus grands réseaux de tramways au monde.

Mais face à l’essor de l’automobile, les pouvoirs publics décident, en 1926, de supprimer tous les tramways parisiens. Ceux-ci disparaissent définitivement en août 1938 pour être remplacés par des lignes d’autobus.

Ils ne feront leur grand retour dans les marges de la capitale qu’à partir des années 1990, d’abord en banlieue, puis dans les années 2000 sur les boulevards reliant entre elles les portes de Paris.