C’est un frémissement. À la fin du XIXe siècle la notion de féminisme reste encore floue. Le mouvement manque d’un texte fondateur dont il pourrait se réclamer et ne possède pas de structure fédératrice : il se traduit en associations éparses, sans liens entre elles, parfois concurrentes.
En décembre 1897, dans un pays encore peu acquis à la cause des femmes, Marguerite Durand lance La Fronde, quotidien féminin et féministe. Celle qu'on surnomme « la Frondeuse » veut ainsi fédérer en un titre les idées, les luttes et les figures du féminisme hexagonal.
L’originalité de La Fronde : ne pas être seulement un journal destiné aux femmes, mais un quotidien conçu, rédigé, administré, fabriqué et distribué exclusivement par des femmes. Journalistes, rédactrices, collaboratrices, typographes, imprimeurs, colporteurs, l'équipe est entièrement féminine. Marguerite Durand entend ainsi prouver que des femmes peuvent réussir dans le monde du journalisme, fortement dominé par les hommes, et qu'une entreprise de presse peut fonctionner sans recourir à leur assistance.
Parmi leurs combats les plus acharnés, celui pour l’égalité salariale, résumé en une formule : à travail égal, salaire égal. Dès les premiers mois d’existence de La Fronde, Marguerite Durand prend la plume pour défendre ce principe d’équité, bien loin de faire l’unanimité :
« Dans les métiers exercés par des hommes et par des femmes, pourquoi les femmes travaillent-elles à plus bas prix ? Pourquoi cette maxime : “À travail égal, salaire égal”, a-t-elle besoin d'être discutée ?
Ce n'est pas à nous de le dire, c'est aux hommes qui, eux, font les lois, à répondre. Ils nous expliqueront peut-être alors pourquoi l'État paye ses institutrices, ses employées moins cher que ses instituteurs, ses employés.
Ils nous diront aussi pourquoi les travailleurs ont, à la majorité, exclu la femme de leurs syndicats au lieu de les y attirer, les forçant ainsi à maintenir leurs tarifs de main-d'œuvre. »