La fascinante légende de la Vouivre, le dragon du Jura
En 1852, le Journal des villes et des campagnes en donne la définition la plus courante dans le Jura :
« […] on appelle vouivre un serpent ailé qui n’a qu’un œil, appelé escarboucle, et jetant une lumière si vive, que le monstre paraît tout en feu. »
La créature erre de source en source, défendue par une horde de serpents fidèles. Elle n'est certes pas méchante, mais gare à ceux qui voudraient s'emparer de son trésor : les serpents n'en feraient qu'une bouchée.
C'est dans un village du Jura, Saint-Claude, qu'elle aurait notamment été plusieurs fois aperçue, donnant ainsi son nom à une cascade : la cascade de la Vouivre.
L’Écho de la montagne en 1887 décrit ainsi le lieu :
« Sur la rive gauche de la Bienne, en amont de St-Claude, court, dans un sillon rapide et profond de la montagne, le torrent de la Pitié. […]
Après avoir coulé quelque temps dans un ravin inaccessible, il s’arrête au pied d’un rocher, dans un réservoir oblong, à ciel ouvert, d’où il retombe en cascade, à mi-côte de la colline, dans une charmante petite vallée que traverse un sentier perdu, sur un pont rustique et croulant.
Il y a là, dans un magnifique encadrement de verdure, des anfractuosités et des grottes, que la tradition désigne comme ayant autrefois servi de refuges à une vouivre. Sous un banc de rocher, on montre encore la place où cette vouivre se cachait pendant le jour aux regards des humains qui passaient dans ce désert. »
La légende de la Vouivre, aussi terrifiante que fascinante, n’a cessé d’inspirer romanciers, poètes et artistes. Marcel Aymé, notamment, s'en est inspiré pour son roman éponyme, paru en 1943 et salué par la critique comme une passionnante et poétique étude des mœurs rurales.
Le Journal des débats politiques et littéraires y consacre en 1944 une longue analyse :
« Dans le livre de M. Marcel Aymé, elle apparaît en chair et en os aux paysans de Vaux-le-Devers et pendant quelques mois trouble de ses prestiges la tranquillité villageoise.
En réalité, ce qui agite un peu les imaginations, ce n'est pas tant le fait miraculeux de son existence que la richesse extraordinaire dont elle peut être la cause. Quelques têtes brûlées rêvent de lui dérober son rubis. Le curé lui-même ne voit dans cette apparition qu'un prétexte pour prendre sa revanche sur la municipalité anticléricale et pour imposer une procession solennelle. Seul, le maire libre-penseur est fortement secoué dans ses convictions.
En somme, la présence de la Vouivre est loin de bouleverser les esprits ; chacun s'y intéresse dans le cadre de ses habitudes et de ses instincts ; en elle on ne regarde que soi. »