Pour ou contre le tourisme en auto ?
En 1928, un journal interviewe quelques personnalités pour connaître leur avis sur le transport automobile.
Dès les années 20, les gens partaient en vacances en voiture... du moins ceux qui avaient les moyens de s'en offrir une. À l'époque, l'usage de l'automobile se généralise parmi les classes aisées en même temps que le réseau routier ne cesse de s'améliorer (dans l'entre-deux guerres, la France se targue d'ailleurs d'avoir le meilleur du monde!).
C'est dans ce contexte que Le Journal du 1er août 1928 interviewe quelques célébrités de l'époque pour connaître leur avis sur ce moyen de transport. Vaut-il mieux voyager en train ou en voiture ? Le vicomte de Rohan, président de l'Automobile-club de France, ne tarit pas d'éloges au sujet de la seconde option (le contraire eût été surprenant) :
"Quelle supériorité en effet sur le trajet en chemin de fer que le voyage en automobile ! On part lorsqu'on est prêt, on flâne à son gré, on s'arrête quand on veut, au hasard d'un site agréable ou d'une bonne auberge, car c'est encore un des bienfaits du tourisme automobile que d'avoir remis en honneur la vieille cuisine française régionale et l'art du bien-manger."
Si l'auteur Georges Courteline s'excuse de n'avoir pas d'opinion sur le sujet (« je ne possède malheureusement pas de voiture »), le journaliste Clément Vautel, quant à lui, penche non sans un brin de snobisme pour la délicieuse solitude qui accompagne les trajets en voiture :
"En auto, on n'est pas obligé — du moins dans la plupart des cas — de voisiner avec un monsieur qui emporte un melon trop parfumé pour ses parents de province, avec une dame qui abuse, elle aussi, des odeurs suaves, avec le cent-kilos qui, titulaire d'un billet à demi-tarif, occupe cependant deux places, avec l'affreux gosse, orgueil de sa famille, qui se met les doigts dans le nez et vous martèle les tibias avec ses semelles en cuir chromé, avec l'inconnu qui vous raconte ses malheurs ou vous invite à prendre part à une partie de bonneteau."
La journaliste et voyageuse Titayna, « qui fit plusieurs fois le tour du monde et qui a adopté l'avion comme moyen de transport favori » se révèle elle aussi une inconditionnelle du tourisme en quatre-roues :
"C'est presque le tourisme tout court, nous dit-elle. Loin des transports en commun, il est le triomphe de l'individualisme : cela ne l'empêche point de devenir très démocratique."
Mais c'est sans doute le peintre Kees Van Dongen qui a la réponse la plus catégorique :
"Il n'y a que les écrasés qui ne sont pas tout à fait contents."
Bref, pour voyager, il n'y pas photo : rien ne vaut la voiture. Mais au fait, quel est le nom de la rubrique où est publié cet article ? "Le Citroën"... la page officielle des "propriétaires et futurs propriétaires de voitures Citroën".