Écho de presse

Suzanne Lenglen, championne du monde de tennis

le 27/06/2019 par Michèle Pedinielli
le 09/01/2018 par Michèle Pedinielli - modifié le 27/06/2019
La joueuse de tennis française Suzanne Lenglen, sacrée championne du monde sur terre battue à l'âge de 15 ans - source : Bibliothèque du Congrès américain-WikiCommons

En 1914, Suzanne Lenglen, petit prodige du tennis français, est sacrée championne du monde à l’âge de 15 ans.

C’est une toute jeune fille âgée de 15 ans qui entre sur le court de tennis du Stade français à Saint-Cloud en ce 9 juin 1914. Pour cette finale du championnat du monde de ce que l’on appelle alors le « lawn-tennis », elle affronte la franco-britannique Germaine Golding de douze ans son aînée et la bat en deux sets, 6/2, 6/1. À quinze ans, elle devient championne du monde sur terre battue.

Dans son portrait de la jeune fille, Le Figaro s’extasie avant tout devant l’allure de la « merveilleuse évocation moderne de la beauté féminine de l’antiquité », féminine jusque dans ses coups droits et ses revers.

« Seize ans ! Peut-être moins ! Une silhouette ravissante d'harmonie physique ; les traits fins, allongés, de grands sourcils, une expression tranquille, grave, souriante et résolue ; une chevelure noire, serrée à l'antique par un ruban de satin, et se répandant en boucles.

Vêtue de laine blanche, comme drapée, agile, sûre de ses mouvements, où la force s'enveloppe d'une grâce infinie, Mlle Suzanne Lenglen est une merveilleuse évocation moderne de la beauté féminine de l'antiquité.

Elle joue dans la perfection, dans un style qui reste délicieusement, féminin.

Dans ses efforts, aucune de ces violences excessives et maladroites par lesquelles trop de femmes éprises d'athlétisme masculinisent si fâcheusement leurs gestes. »

La presse en général salue le jeune âge de la jeune fille prodige, mais relève aussi sa maîtrise technique.

« Très sûre de ses balles, la jeune Suzanne Lenglen ne laisse à peu près rien passer. Ses longs drives font voyager son adversaire, qui se défend courageusement, à son habitude.

Dès le premier set, le match est gagné visiblement, et ce n'est que grâce à son énergie que Mme Golding réussit deux jeux dans le second set. Les spectateurs font une belle ovation à la jeune championne. »

On la compare à la championne de l’époque, Marguerite Broquedis (« gracieuse et remarquable athlète de ce sport, tout fait d'élégance et de souple vigueur »), tout en soulignant son mental de compétitrice.

« Mais la championne de quinze ans est véritablement un prodige : vigoureuse, infatigable, alerte, active, possédant l'expérience du jeu de lawn-tennis avec une remarquable précision, elle joint à cet art sportif des qualités qui assurent l'infaillible succès : l'énergie, le sang-froid et la volonté de vaincre.

Mlle Suzanne Lenglen n'est vraiment plus une enfant. »

On apprend que Suzanne Lenglen, d’« assez faible constitution », s’est mise au tennis à l’âge de 13 ans afin de s’initier à l’exercice. Pour des raisons de santé, le petit prodige s’est ensuite installé à Nice où elle a assisté à tous les grands tournois de la Côte-d’Azur.

« Elle trouve dans le tennis non seulement le vrai remède qui fortifiera tout son organisme, mais le jeu qu'elle préfère, qu'elle veut apprendre, qu'elle veut jouer à la perfection, et où elle cherchera finalement à dominer ses adversaires féminins en appliquant les mêmes règles de tactique pratiquées par les hommes.

Donc, avant même de se mettre à l'entraînement, Mlle Lenglen a observé, réfléchi, puis joué avec tête autant qu'avec adresse. C'est là tout son secret, c'est ce qui a fait sa force. »

La presse est dithyrambique devant le prodige, à ce point que même L’Intransigeant a du mal à bouder sa victoire.

« Et d'abord, n'exagérons rien. Que Mlle Suzanne Lenglen, cette extraordinaire fillette de quinze ans, vienne de remporter un double championnat du monde, cela n’offre évidemment pas l'intérêt que devrait soulever l’invention de la téléphonie sans fil ou la fabrication des automobiles en série...

Mais notre amour-propre national est tout de même bien agréablement caressé lorsque nous apprenons que c'est devant une jeune française, devant une enfant presque, que les meilleures raquettes du monde entier doivent s’incliner, vaincues. »

Ce journal y voit même, outre le triomphe de toute la France (« Nous triomphons tous un peu de la victoire de notre représentant »), une saine occupation pour les jeunes filles.

« Et puis, nous ne sommes pas fâchés non plus de penser que son triomphe va être un stimulant pour nos jeunes filles, à qui le plein air et l’exercice valent mieux – n'est-ce pas votre avis ? – que les romans et ce que les jeunes hommes ont appelé le flirt. »

La première guerre mondiale interrompt bien sûr les tournois de tennis, mais pas l’entraînement de Suzanne Lenglen. En 1919, lors de la reprise du championnat du monde à Wimbledon, elle fait encore sensation en battant l’Anglaise Dorothea Douglass Chambers sur son terrain, devenant ainsi la première Française championne du monde sur gazon.

Loin d’être un feu de paille, Suzanne Lenglen construit une carrière faite de triomphes : championne du monde en 1920, 1921 et 1922, elle remporte 241 tournois en sept ans, améliorant sans cesse les techniques du tennis féminin.

Première star du tennis, elle est surnommée « la Divine » et Jean Patou dessine pour elle des jupes courtes qui lui permettent de mieux courir.

En 1926, un incident met fin à sa carrière d’amateur. Lors du tournoi de Wimbledon, elle ne se présente pas à un match, faisant ainsi un affront à la reine d’Angleterre, présente dans les tribunes. La joueuse explique au Daily Mail qu’elle n’était pas au courant de ce match.

Paris-Soir traduit son interview :

« Vraiment, je ne savais pas que je devais jouer aujourd'hui et sûrement je ne devais pas faire deux matches. Je n'ai rien vu de cela dans les journaux, et personne ne m'en a informée. J'ai quitté Wimbledon hier, souffrant d'un gros rhume et j'allai trouver un docteur ; ce matin, cela n'allait pas du tout.

Lorsqu'on me prévint cet après-midi qu’on m'attendait à Wimbledon, je me dépêchai le plus que je pus, tout en me sentant très mal. J'espère être mieux demain ; mais si ça ne va pas, je ne pourrai pas jouer ; je crains fort que l'on ne puisse remettre le match s'il en est ainsi. »

Vexée par l’accueil glacial du public anglais lorsqu’elle revient sur le court quelques jours plus tard, Suzanne Lenglen met fin ce jour-là à sa carrière.

Atteinte d’une leucémie, elle décède le 4 juillet 1938, à l’âge de 39 ans.