Écho de presse

1900 : reconstruction du Paris médiéval

le 10/09/2024 par Priscille Lamure
le 28/02/2018 par Priscille Lamure - modifié le 10/09/2024
Publicité pour l'exposition « Paris en 1400 » parue dans le journal La Vie Quotidienne, 1899 - source : Gallica-BnF

À l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, un ingénieux architecte décide de faire renaître le Paris du XVe siècle – et sa célèbre « cour des Miracles ».

La cour des Miracles, telle qu’elle fut immortalisée par Victor Hugo dans son roman Notre-Dame de Paris (1831) [voir notre article] était un repaire de mendiants et de voleurs parisiens dans un Moyen Âge décadent plus ou moins fantasmé. En réalité, les « cours des miracles » étaient nombreuses dans le Paris médiéval et c’est dans ces bas-fonds, à l’abri du regard des honnêtes gens, que se produisaient prétendument chaque soir d’étranges phénomènes puisque, quittant leurs oripeaux après une longue journée de mendicité, les boiteux abandonnaient alors leur canne, les bossus se redressaient et les aveugles recouvraient soudainement la vue.

Durant la Belle Époque, dans la capitale transformée par les importants travaux du baron Haussmann [voir notre article], l’engouement pour l’architecture médiévale connaît un regain d’intérêt. C’est alors qu’un talentueux architecte décide d’offrir aux Parisiens, à l’occasion de l’Exposition universelle de 1900, une incroyable attraction en ressuscitant le Paris du quinzième siècle et sa fameuse cour des Miracles.

Paris en 1400 est donc un projet élaboré et déposé par l’architecte Eugène Colibert, un élève de Viollet-le-Duc, spécialisé dans les reconstitutions historiques et archéologiques. À ce moment-là, M. Colibert a déjà attiré l’attention du public lors de l’Exposition universelle de 1889 avec sa reconstitution de la Bastille.

L’ouverture de la reconstitution du Paris en 1400 est initialement prévue pour le mois d’avril 1899. Cependant, devant l’ambition du projet, les préparatifs débutent dès la fin de l’année 1898, attisant la curiosité de nombreux Parisiens.

En novembre 1898, le journal Le Temps consacre un article à la mise en œuvre de l’entreprise :

« Les visiteurs de l’Exposition de 1889 n’ont pas oublié l’ingénieuse et pittoresque reconstitution de la Bastille, faite auprès du Champ-de-Mars par M. Colibert, architecte.

Pour 1900, M. Colibert a résolu de représenter l’antique et célèbre cour des Miracles telle que les Parisiens la connurent au quinzième siècle.

Déjà, des ouvriers sont occupés, dans un terrain de l’avenue Suffren, à préparer le tracé des ruelles et demeures semblables à celles où vécut pendant deux cents ans la colonie des mendiants et des coupe-jarrets de Paris. »

C’est en effet entre les numéros 100 et 102 de l’avenue de Suffren, à deux pas de l’École militaire, sur un terrain de 4 000 mètres carrés, qu’un quartier entier du Paris médiéval doit être reconstitué. Mais déjà, l’impatience des Parisiens est grandissante et les journalistes en font l’écho.

Le quotidien parisien L’Aurore livre quelques ingrédients pensés par le maître architecte afin de duper le spectateur :

« Paris en 1400, où l’on verra revivre, 100, avenue de Suffren, cette grande et originale époque du règne de Charles VI et d’Isabeau de Bavière sera certainement l’un des gros clous de l’Exposition : fêtes, carrousels, tournois, défilés, ballets, etc., rien ne manquera à cet intéressant spectacle. »

Après de longs mois d’installation et une première inauguration au printemps 1899, l’attraction Paris en 1400 ouvre ses portes aux visiteurs de l’Exposition universelle le 5 mai 1900, sous la direction de M. Comy, directeur des Fantaisies-Nouvelles.

Dès lors, les visiteurs qui y pénètrent dans l’espoir d’entrevoir la belle Esmeralda peuvent à loisir flâner dans les petites ruelles aux édifices de type médiéval, au milieu de comédiens en costumes d’époque. Outre la reconstitution de la cour des Miracles avec ses spectacles de bohémiens et ses truands grimés, ils peuvent assister à un tournoi entre messire de Coucy et Jean de Bourbon, vêtus de leurs armures et assistés de leurs écuyers. Mais aussi à des fêtes populaires et à des « mystères » joués sur le parvis d’une petite église. Ils peuvent encore entrer dans les ateliers de divers artisans ou dans la grande salle de l’auberge des Trois-Pichets, ornée de sa haute cheminée, et y commander un cruchon de vin.

Les spectacles et animations ont ainsi lieu chaque jour jusqu’à la fermeture des portes de l’attraction à minuit.

Selon les journaux, cette installation est une incontestable réussite. En juin 1900, Le Petit Parisien rapporte ses impressions :

« Les spectacles si variés qui ont lieu, chaque jour, à la cour des Miracles, 100, avenue de Suffren (Reconstitution du Paris de 1400), obtiennent le plus grand succès : tournois, ballets, chants, jeux du Moyen Âge, d’une reproduction historique parfaite, font la joie du public. »

Pourtant, cette tentative de faire revivre la vie et les mœurs du XVe siècle n’aura pas le succès escompté. Le nombre de visites, quoiqu’honnête, n’atteint à aucun moment les sommets espérés. L’échec de cette attraction est probablement dû à la concurrence de celle, très en vogue, du Vieux-Paris d’Alfred Robida qui, s’étalant sur 260 mètres le long de la Seine, offre aussi aux visiteurs une reconstitution monumentale de Paris du Moyen Âge au XVIIIe siècle.

Et avant la fin de l’Exposition universelle, après seulement quelques semaines de festivités, la société Paris en 1400 est contrainte de déposer le bilan.

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