Écho de presse

1er avril 1921 : Adrienne Bolland survole la cordillère des Andes

le 31/03/2023 par Priscille Lamure
le 03/05/2018 par Priscille Lamure - modifié le 31/03/2023
Adrienne Bolland en tenue d'aviatrice, dans les pages des Annales politiques et littéraires, 1921 - source : RetroNews-BnF

Le 1er avril 1921, l’aviatrice chevronnée Adrienne Bolland devient la première femme à traverser la périlleuse chaîne de montagnes d’Amérique du Sud. Vingt ans plus tard, elle deviendra résistante.

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« Dès que j'eus décollé, un fâcheux incident sembla devoir confirmer ces sinistres prophéties.

En tirant sur mes lunettes, je cassais le caoutchouc qui les retenaient, et je dus faire toute la traversée les yeux à nu. Je souffrais horriblement. J'avais la vue brouillée, mais je tenais à aboutir coûte que coûte, dussé-je en rester aveugle.

Cet accident fit que je ne prêtais pas autrement attention au froid, qui est cependant très vif à cette saison en Argentine, surtout au-dessus des pics couverts de neige.

J'eus aussi du mal à lutter contre un vent violent, qui m'obligea à faire du surplace pendant une vingtaine de minutes. »

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Ce récit de cauchemar éveillé est celui d’Adrienne Bolland, aviatrice française, au mois de juillet 1921 tandis qu’elle célèbre, entourée de journalistes français venus en Uruguay pour l’interviewer, son triomphe accompli trois mois plus tôt entre l’Argentine et le Chili. Elle est en effet sortie vivante d’un vol en avion au-dessus de la cordillère des Andes.

Adrienne Armande Pauline Bolland, née en 1895 à Arcueil, est la petite dernière d’une fratrie de sept enfants. Son père, Henri Boland, décède alors qu’elle est âgée de quatorze ans. La jeune fille comprend rapidement qu’elle devra travailler pour soutenir sa mère, qui se trouve alors dans une situation financière précaire. Son vœu le plus cher est ambitieux, surtout pour une femme d’alors : devenir pilote d’avion.

En 1919, et malgré la désapprobation de sa famille, Adrienne Bolland entame une formation de pilote d’essai auprès du pionnier de l’aviation René Caudron. Sérieuse et déterminée, elle obtient son brevet de pilotage en seulement six mois. À cette époque, seule une dizaine de femmes sont parvenues à le décrocher. Lors de meetings aériens, elle multiplie les prouesses techniques dans les airs. Elle semble n’avoir peur de rien.

Un an plus tard, le 25 août 1920, elle réalise un premier exploit en étant la première femme à traverser la Manche depuis la France. Avide de sensations fortes, elle décide de tenter un vol encore plus périlleux encore, plusieurs aviateurs y ayant déjà laissé leur vie : survoler l’immense chaîne de montagnes d’Amérique du Sud, la cordillère des Andes, qui culmine à quelque 7 000 mètres d’altitude au sommet de l’Aconcagua.

Elle est âgée de seulement 24 ans lorsqu’elle débarque en Amérique du Sud, en 1921, pour faire quelques essais à bord de son avion, son « fidèle Caudron G-3 » à moteur de 80 chevaux. Mais l’engin, un véhicule datant de 1914, peine à monter au-delà de 4 000 mètres d’altitude. Quoiqu’elle demande à René Caudron un avion plus puissant, sa demande n’aboutit pas. Qu’à cela ne tienne, elle refuse de rentrer bredouille et décide de tenter de relever le défi à bord de son antique G-3.

Au matin du 1er avril 1921, elle décolle de Mendoza, à l’ouest de l’Argentine. Mais peu de temps après son départ, les ennuis commencent. Voici le récit de la jeune aviatrice rapporté par le journal Le Gaulois :

« Je ne vous cacherai pas que lorsque, à l’altitude de 4 100 mètres, je me suis trouvée en présence des monts de la cordillère des Andes, j’ai douté de les franchir.

Le poids de mon appareil m’inquiétait. Je manœuvrais en conséquence jusqu’à une perte complète de 50 kilos de combustible ; j’avais alors devant moi les monts Toutoungato (sic) et l’Aconcagua, qui ne m’offrait qu’un espace restreint de 150 mètres.

Je n’avais pas à hésiter, le moment était critique ; mais, résolue à réussir, je fis l’impossible et je franchis ce passage sans incident. »

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Après cet exploit, elle aperçut bientôt, au loin, la ville de Santiago, au Chili, où elle se posa sans encombre.

Après 4 h 15 d’un vol épique qui faisait d’elle la première femme à avoir réalisé cette dangereuse traversée, elle fut accueillie par les acclamations de la foule. Seule déception, le consul de France à Santiago n’avait pas jugé nécessaire de se déplacer pour applaudir la performance de sa compatriote, ce dernier pensant « qu’il s’agissait là d’un poisson d’avril ».

Pourtant, en ce jour glorieux, la jeune femme vient de faire triompher l’aviation française aux yeux du monde. Le Chili décide de la décorer de l’ordre du Mérite et, pour ce faire, fait voter un décret spécialement pour elle.

« Plusieurs drapeaux français me signalaient l'endroit où je devais atterrir – et lorsque mon avion se posa sur eux, une musique militaire, jouant la Marseillaise, accueillit ma venue.

Et ce fut une magnifique série de fêtes et de banquets qui m'émut profondément.. Le gouvernement du Chili me décerna la médaille du Mérite et je ne saurais trop dire toute ma reconnaissance à ceux qui voulurent bien applaudir la France en m'acclamant sans réserve. »

En 1924, Adrienne Bolland est décorée de la Légion d’honneur en France, où elle continue de faire parler d’elle en battant de nouveaux records. À Orly, elle effectue 212 loopings en 1 h et 13 minutes.

En 1930, elle épouse le pilote d’avion Ernest Vinchon. Femme engagée, elle milite pour le droit de vote des femmes et sera vivement critiquée. Ses détracteurs tenteront à plusieurs reprises d’attenter à sa vie en sabotant son avion, entraînant sept accidents graves, desquelles elle réchappe.

Lorsque surviendra la Seconde Guerre mondiale, Adrienne Bolland, qui vit en zone occupée, entrera dans la Résistance en compagnie de son mari. Au sein du réseau CDN Castille du Loiret, ils participeront aux repérages de terrains d’intervention en faveur des Forces aériennes françaises libres.

Adrienne Bolland mourra à Paris trois décennies plus tard, le 18 mars 1975. Elle avait 79 ans.