Plus largement, ce sont les effets supposés de l’argent et du professionnalisme déguisé qui déchirent le rugby français, au point de pousser bientôt à une scission des clubs et à son exclusion du Tournoi des Cinq nations. On les retrouve ciblés, par exemple, dans le journal de la SFIO Le Populaire, sous la plume du cadre socialiste Pierre Marie, qui pleure la disparition du « sport honnête, le sport délassement, remplacé actuellement par le sport-métier, le sport-pourboire préparant des déclassés de trente ans » :
« Le jour où le premier tourniquet a été placé devant le premier stade, le sport amateur a été condamné.
Comment soutenir en effet la légitimité des recettes, puisque les acteurs, étant amateurs, ne doivent pas être rétribués. Ou si l’on renverse la proposition, comment refuser aux vingt-deux ou trente as opérant à l’intérieur une indemnité plus ou moins élevée alors qu’ils savent que c’est leurs noms, leur valeur, qui font encaisser les fortes sommes perçues à l’entrée.
Toute l’affaire est partie de là. Le jeu dur s’est greffé sur cette conception immorale parce qu’il faut se maintenir en championnat pour ne pas tarir la source des recettes. »
À ce débat médiatique sur la violence plus ou moins accrue du rugby s’en superpose vite un autre, judiciaire, avec l’ouverture par le parquet de Bordeaux d’une information contre X pour homicide par imprudence. Une annonce qui, là aussi, divise la presse, entre ceux qui craignent une criminalisation du spectacle sportif et ceux qui réclament qu’on remonte la chaîne des responsabilités jusqu’au sommet, les organisateurs de ces événements qui déchaînent les passions.
Quand Le Journal s’inquiète de « la possibilité pour tous les parquets de France et de Navarre de poursuivre devant les tribunaux correctionnels, chaque semaine, tous les auteurs involontaires des accidents graves ou bénins survenus sur les terrains de basket-ball, de football ou de rugby, sur les courts de tennis, dans les piscines de water-polo », sans même parler du boxeur qui, « par définition même, porte des coups volontairement, avec l’intention de causer des blessures », L’Action Française attaque celui qui fut le premier président de la jeune fédération de rugby, Octave Léry :
« Maintenant, qui est ce X ? Sera-ce le joueur palois Taillantou, qui est, dans des conditions à déterminer, l’auteur matériel de l’accident ? Sera-ce M. Léry, qui est venu palabrer sur la tombe du malheureux Pradié sans avoir l’air d’apercevoir une seconde sa propre responsabilité ?
Car enfin, si l’on poursuit les chefs révolutionnaires pour excitation au crime, pourquoi ne poursuivrait-on pas, tout de même, ceux qui excitent évidemment au crime chaque dimanche, puisqu’ils organisent ces rencontres où tout le monde sait qu’il est de règle de s’assommer, [...] et qu’ils vont jusqu’à autoriser et recommander les moyens les plus cyniques et malhonnêtes pour débaucher à prix d’or les jeunes gens qui manifesteraient l’intention de faire autre chose que risquer chaque dimanche d’être assommés et s’exercer à assommer les autres ? »