La souscription de L’Echo d’Alger servira à offrir un objet d’art en, et le journal n’en doute pas, « cette souscription sera rapidement couverte par tous les admirateurs français et indigènes de celui qui, mieux qu’en des discours, a prouvé que l’Algérie c’est la France ».
Dans Le Journal à sa « Une » l’envoyé spécial à Amsterdam Edouard Helbey estime qu’« un effort sportif est un acte de foi », c’est en quelque sorte cette foi en la France qu’El Ouafi a exprimé en réalisant son exploit au prix de maints efforts. En visite à la rédaction de ce quotidien parisien à son retour des Jeux, El Ouafi voit son portrait esquissé :
« Ah ! Le brave petit Français que cet Algérien aux yeux couleur de châtaigne mure, au teint basané qu’envieraient nos élégantes, possesseur d’un petit corps fluet, presque mièvre, mais doué de muscles d’acier et d’un cœur inlassable. »
Cette victoire d’autant plus importante qu’elle est la seule de l’athlétisme français aux Jeux d’Amsterdam, suscite également quelques critiques sur le statut des indigènes. L’Humanité pointe la dimension coloniale avec une certaine ironie au diapason de l’anticolonialisme virulent du Parti communiste dans les années vingt :
« Enfin une victoire française ! C’est – ô ironie – celle de l’Arabe El Ouafi dans le marathon. »
De son côté, L’Œuvre, quotidien situé alors dans une gauche plus modérée, s’interroge à sa Une dès le lendemain de cette victoire :
« L’homme qui a représenté la France au marathon olympique d’Amsterdam s’appelle El Ouafi. Jouit-il des droits de citoyen français ? »
En réaction, Charles de Rouvre, éditorialiste et écrivain dans le quotidien La Rumeur récemment créé, dénonce l’hypocrisie de L’Œuvre en expliquant que malgré le patriotisme ambiant, El Ouafi ne sera jamais un Français à part entière car « la naturalisation s’appliquant aux indigènes n’équivaut pas la francisation ». Selon Charles de Rouvre, « l’indigène algérien restera à vie un suspect » et la trajectoire française du coureur reste celle d’une victime du système colonial que la victoire ne permet pas de gommer :
« Sans qu’on lui demandât davantage son avis, il a été soldat de France ; son temps fini, on lui a octroyé, je suppose, le beau certificat qui porte en tête ‘honneur et patrie’.
L’honneur, il le garde. Mais la patrie, il ne l’a pas. Chez lui ce n’est pas chez soi. »