Fondé en 1880 par Georges Clemenceau, La Justice était un quotidien républicain. Clemenceau en devient le directeur politique, et Stephen Pichon, qui deviendra en 1917 le ministre des Affaires étrangères de son gouvernement. Le rédacteur en chef d'origine est Camille Pelletan, venu du Rappel. Y participent aussi Charles Longuet (gendre de Marx et personnalité de la Commune), le critique d'art Gustave Geoffroy, et plus tard le socialiste Alexandre Millerand (futur président de la République, de 1920 à 1924). Vendu à l'origine dix centimes, il comporte quatre pages austères, sans illustration.

En dépit de son faible tirage (13 000 exemplaires au début, puis rarement au-dessus de 10 000), La Justice exercera tout au long de son existence une certaine influence dans les milieux parlementaires. Organe de l'extrême-gauche, il est avant tout la tribune privilégiée de son directeur. Chaque discours de Clemenceau à la Chambre des députés est retranscrit dans le journal. Un des plus fameux est celui du 30 juillet 1885 où il répond à Jules Ferry qui avait déclaré que les « races supérieures » avaient « le devoir de civiliser les races inférieures ».

Par ailleurs, jusqu'en 1897, date où il rejoint L'Aurore en tant que rédacteur, celui que l'on surnomme « le tombeur de ministères » signe fréquemment dans La Justice de longs articles, souvent virulents, dans lesquels il critique la répression des grèves, plaide pour la réforme sociale, défend les propriétaires terriens ou s'attaque au libéralisme économique. Certains seront édités dans le recueil paru en 1895 La Mêlée sociale.

La participation au capital de Cornelius Herz, impliqué dans le scandale de Panama, éclaboussera quelque temps Clemenceau.

La Justice commence à péricliter dès la fin des années 1890, mais se maintient en vie jusqu'en 1931. Il reparaîtra brièvement de 1939 à 1940, puis deviendra Le Mot d'Ordre du 20 août 1940 au 26 février 1944, avant de disparaître.