Archives de presse
Les Grands Reportages à la une
Aux origines du grand reportage : les récits de huit reporters publiés à la une entre 1881 et 1934 à découvrir dans une collection de journaux d’époque réimprimés en intégralité.
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En juin 1942, le port de l’étoile jaune est imposé aux Juifs dès l’âge de 6 ans en zone occupée. Une grande frange de la presse française, sous le contrôle de l’ambassade d’Allemagne, soutient cette initiative infamante.
Après la débâcle de 1940, la France est coupée en deux par une ligne de démarcation : au Nord et à l’Ouest, la zone occupée par les troupes allemandes et au Sud, le régime dit de Vichy dirigé par Philippe Pétain, qui entre en collaboration active avec l’Allemagne nazie.
Sans surprise, les Juifs de France deviennent dès lors la cible de la politique de persécution nazie, orchestrée à la fois par l’État français et l’occupant. La propagande antisémite du gouvernement de Vichy présente à longueur de temps l'homme juif en tant que « grand financier », nécessairement profiteur et manipulateur – quand on ne l’accuse pas d’avoir provoqué la défaite de la France. À travers les affiches, tracts, journaux ou à la radio, la propagande appelle avec véhémence à se débarrasser de ces « ennemis » de la France.
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Aux origines du grand reportage : les récits de huit reporters publiés à la une entre 1881 et 1934 à découvrir dans une collection de journaux d’époque réimprimés en intégralité.
Avec l’aval de l’État français, plusieurs mesures discriminatoires à l’encontre des Juifs sont instaurées en France. Dès octobre 1940, Vichy promulgue le premier « statut des Juifs ». Comme en Allemagne, il leur est désormais interdit d’exercer les métiers de la fonction publique, de l’armée, de l’enseignement, de la presse, du cinéma, ainsi que certaines professions libérales. Puis au printemps 1942, tandis que le régime nazi s’est lancé dans l’abominable « Solution finale », le Reich décide d’infliger le port d’insignes distinctifs aux Juifs de France, de Hollande et de Belgique, comme en portent déjà les Juifs d’Allemagne.
En France, c’est au chef de la police de sûreté Helmuth Knochen et à l’adjoint du chef supérieur de la SS Carl Oberg, qu’est confiée la mise en place de cette mesure infamante à l’encontre de la population juive. Ainsi, dans une ordonnance allemande datée du 29 mai 1942, le port de l’étoile jaune est rendu obligatoire pour tous les Juifs de la zone occupée, dès l’âge de 6 ans.
Rendue publique le 1er juin 1942, l’ordonnance est immédiatement relayée en Une du Matin, quelques jours avant son entrée en vigueur le 7 juin :
« 1. Signes distinctifs pour les Juifs
• Il est interdit aux Juifs, dès l’âge de six ans révolus, de paraître en public sans porter l’étoile juive.
• L’étoile juive est une étoile à six pointes ayant les dimensions de la paume d’une main et les contours noirs. Elle est en tissu jaune et porte en caractère noir l’inscription “Juif”. Elle devra être portée bien visiblement sur le côté gauche de la poitrine, solidement cousue sur le vêtement.
2. Dispositions pénales
• Les infractions à la présente ordonnance seront punies d’emprisonnement et d’amende ou d’une de ces peines. Des mesures de police, telles que l’internement dans un camp de Juifs, pourront s’ajouter ou être substituées à ces peines. »
Dès lors, les insignes sont distribués à la population juive dans les commissariats de police. Dans les jours qui suivent, ceux qui ne se présentent pas pour obtenir leur étoile encourent les mêmes peines que celles prévues par l’ordonnance.
À l’instar du journal Le Matin, la presse collaborationniste française, largement subventionnée par l’ambassade d’Allemagne, salue l’entrée en vigueur de cette mesure discriminante. Le Progrès de la Côte d’Or emploie les éléments de langage de la propagande antisémite pour manipuler l’opinion publique en distinguant les Juifs des « Aryens » (non-juifs). Selon ce journal « l’étoile révélatrice » éviterait aux Français de tomber dans les pièges tendus par les Juifs.
« L’ordonnance prescrivant le port de l’étoile jaune par les Juifs est entrée en application ce matin. Dans certains quartiers, tels celui de la rue du Temple et du IVe arrondissement, nombreux étaient les passants qui portaient, cousue sur la poitrine, l’étoile jaune à six branches, les uns à la place de la pochette du veston, d’autres un peu au-dessous. [...]
Bien des gens ont éprouvé une petite surprise, en voyant telle personne de leur connaissance, qu’ils croyaient aryenne, porter l’étoile révélatrice. C’est là précisément le but assigné à l’ordonnance. Les Juifs, qui cherchaient souvent à dissimuler une origine de laquelle pourtant ils se réclament à l’occasion, seront désormais contraints de se découvrir.
Ainsi, la source de maints “bobards” deviendra plus facile à discerner, quand on reconnaitra, au veston de celui qui s’en fera le propagateur, l’étoile à six branches. »
Au fil des mois, la haine à l’encontre des Juifs s’intensifie dans les journaux collaborationnistes. Ainsi, un article du Matin intitulé « Un seul choix pour les Juifs : l’étoile jaune ou la prison » constitue un exemple typique de l’antisémitisme féroce qui s’est généralisé dans toute la France. Dorénavant, « Israël » est représenté, comme dans la presse d’extrême droite traditionnelle, à l’aide de détails morphologiques et psychologiques prétendument caractéristiques :
« Pour les empêcher de nuire, une loi salutaire astreint les Juifs à porter, depuis le 7 juin, l’étoile jaune. Mais cette obligation est battue en brèche par Israël. Le vêtement vierge de tout insigne, nos Juifs lippus et crépus se pavanent insolemment, le verbe haut, sur les champs de courses, circulent après 20 heures, vont au spectacle, au restaurant et au marché, où on les voit exiger les meilleurs morceaux et enlever les plus beaux fruits. [...].
Il est temps d’en finir avec cette tolérance. [...] Une vigilance de tous les instants doit animer ceux à qui incombe le devoir de surveiller les faits et gestes d’Israël. Une descente efficace dans les restaurants, des contrôles de cartes d’identité, une visite inopinée dans les cinémas, bref, un déploiement d’autorité rabattrait assurément l’insolence raciale des Juifs.
Et si l’expulsion ou le camp de concentration ne suffisent pas, qu’attend-on pour les mettre en prison. »
Face à cette violence inédite, une frange de la population, et principalement les jeunes, choisit de résister. C’est ainsi que plusieurs jeunes Français, non-juifs, décident de porter « l’étoile juive » – ou une parodie de celle-ci – en signe de solidarité envers leurs camarades juifs et afin de protester contre le port de ce signe discriminatoire.
Le Petit Parisien relate de manière lapidaire le sort réservé à ces contestataires :
« Un certain nombre de non-juifs qui portaient l’étoile juive ou une imitation de cet insigne et qui avaient manifesté leur empathie pour le judaïsme ont également été envoyés dans les camps de Juifs. »
Bientôt, dans tous les pays d’Europe administrés par les nazis, le port de l’étoile jaune se systématise. Au fil des mois, la répression à l’encontre des Juifs se durcit. En France, à partir du 8 juillet 1942, une ordonnance allemande leur interdit l’accès aux lieux publics tels que les cinémas, les théâtres, les parcs… Ils n’ont plus le droit de posséder ni téléphone, ni vélo et doivent monter dans le dernier wagon du métro.
Après la loi dite d’aryanisation économique du 22 juillet 1942, les Juifs seront systématiquement dépossédés de leurs biens, de leurs meubles et de leur capital foncier.
La politique antisémite et collaborationniste du gouvernement de Vichy aura les conséquences dramatiques que l’on sait, participant notamment à la déportation de quelque 76 000 Juifs vers les camps de concentration et d’extermination.
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Pour en savoir plus :
Renée Poznanski, « Porter l’étoile jaune à Paris », in: Revue historique, 1994
Laurent Joly, « La délation antisémite sous l’Occupation », in: Vingtième siècle, revue d’Histoire, 2007
Marianne Hirsch & Leo Spitzer, « La tache sur le revers », in: Revue d’Histoire de la Shoah, 2011