En somme, la « page féminine » du Populaire témoigne des débats sur la question des femmes à l’intérieur même du parti socialiste, et surtout, des différences de positionnement entre les militantes. Des militantes qui, au milieu de « La mode » et autres conseils culinaires et ménagers, n’en oublient pas la politique et, pour certaines, l’écrivent haut et fort. On retrouve ainsi la présence régulière d’un article sur un sujet d’actualité et/ou de réflexion.
Par exemple, Hélène Epstein, qui sera secrétaire du journal La Tribune des femmes socialistes dès sa création en 1936, s’inquiète, dans Le Populaire du 15 octobre 1933, de « l’indifférence des femmes » à l’égard de la politique. Défendant que cette dernière « est le reflet de la vie économique dont tout être humain subit les conséquences », elle analyse :
« On peut, évidemment, trouver une explication à cette passivité, au premier abord inexcusable : la plupart des femmes, si on se reporte au passé, menaient une vie paisible, n'ayant souci que de leur intérieur et étaient éloignées par les lois et les mœurs de toute activité politique et sociale.
Mais, aujourd'hui, poussées par des conditions d'existence peu clémentes, elles devraient, semble-t-il, se pencher davantage vers les problèmes vitaux, vers les phénomènes économiques, dont directement ou d'une façon indirecte elles sont les victimes.
Les femmes, aussi bien celles qui travaillent au dehors que celles qui restent dans leur foyer, toutes, elles se trouvent en face des calamités inhérentes au régime capitaliste : misère, chômage, insécurité du lendemain, et toutes, elles souffrent moralement des menaces de guerre. »
Cette préoccupation sur l’engagement des femmes se lit souvent dans cette page, et principalement dans la rubrique « Tribune des femmes socialistes » dont nous avons parlé antérieurement. La professeure et militante socialiste Émilie Lefranc (1903-1970) y signe, le 14 novembre 1937, une tribune « Pour celles que “la politique” n’intéresse pas » :
« Combien de fois, même dans nos milieux ouvriers, même dans l'entourage familial des militants, n'entendons-nous pas les femmes lancer cette réplique : “Moi, la politique ne m'intéresse pas.” Qu’elles ne tirent pas fierté d'une telle attitude !
En fait, deux conceptions ont toujours coexisté, selon les classes sociales : la conception de la femme-objet de luxe ; la conception de la femme-servante. »
Mais si Emilie Lefranc peut écrire que, « Par sa conception de la femme, l'homme est donc en partie responsable de l'apathie féminine », elle se demande si, « par sa nature même, la femme n'est pas destinée à ce repliement que nous lui reprochons » :
« Et c'est là qu'apparaît la mesure à garder. Certes la nature masculine est beaucoup plus portée vers l'activité extérieure, vers l'effort collectif, par suite vers la vie politique. Aussi serait-il ridicule et vain de vouloir faire de la femme une réplique de l’homme.
Toutes ne sont pas appelées à déployer une activité politique semblable à celle des hommes. Mais en quoi cela les dispenserait-elles de comprendre dans ses réalités profondes la vie politique et d'apporter à l'énergie masculine l'appoint, non négligeable, de leur collaboration ? »