"Les 200 familles", un slogan qui fait mouche
Dans les années 30, les "200 familles" sont accusées de tenir l'économie française et d'être responsables de la crise persistante.
Pendant l'entre-deux-guerres, "les deux cents familles" désigne les deux cents plus gros actionnaires de la Banque de France. Avant la réforme de 1936 qui en modifia le système de régence, ils constituaient l'Assemblée générale de la Banque de France. C'est Édouard Daladier, alors président radical du Conseil, qui lance en 1934 ce qui deviendra un véritable slogan politique :
"Deux cents familles sont maîtresses de l'économie française et, en fait, de la politique française. Ce sont des forces qu'un État démocratique ne devrait pas tolérer, que Richelieu n'eût pas tolérées dans le royaume de France. L'influence des deux cents familles pèse sur le système fiscal, sur les transports, sur le crédit. Les deux cents familles placent au pouvoir leurs délégués. Elles interviennent sur l'opinion publique, car elles contrôlent la presse."
En 1936, Maurice Thorez, alors secrétaire général du Parti communiste, reprend l’expression dans un discours prononcé devant 40 000 travailleurs parisiens, dont L'Humanité publie le texte :
"Peuple de France,
Un vent de détresse souffle sur notre beau pays.
Depuis cinq années déjà, la crise économique sévit dans l'industrie, l'agriculture, le commerce et les finances publiques et privées. (...) La classe ouvrière est condamnée au chômage et le peuple connaît la misère. C'est que les richesses, fruit du travail accumulé de nombreuses générations sont devenues la propriété d'une minorité parasite qui les exploite à son seul profit. (...) Ainsi les 200 familles conduisent notre pays à la ruine et à la catastrophe."
Le slogan fait mouche comme on le voit sur ce graphe mesurant la fréquence d'utilisation du terme. Il est notamment abondamment relayé par L'Humanité mais aussi, de l'autre côté de l'échiquier, par L'Action française, qui le récupère à sa façon, comme dans cet édito de Charles Maurras :
"Que 200 familles aient travaillé, même en trichant, même en fraudant, même en abusant de toutes sortes de facilités et de privilèges, c'est bien possible, l'étonnant serait que ça ne fût pas. Mais encore travaillaient-elles ! Or, pensons aux trois mille aux dix mille, peut-être aux vingt ou cinquante mille familles qui n'ont jamais travaillé : qui ont été, purement et simplement les exploiteuses de l'État administratif et de l'État électif. Oui, pensons à l'innombrable classe de chanoines prébendés qui, dans la métropole et les colonies, palpent leurs bons « mandats » de fainéantise dorée et n'ont jamais dédié une minute d'activité sérieuse et durable au service de la patrie."
Cela reste l'une des expressions politiques les plus prolifiques, au point d'être parfois encore, 80 ans plus tard, relayée par la presse et le monde politique...