Loterie nationale : les Français se prennent au jeu

"La Loterie nationale ? Pourquoi pas !". En février 1933, le député et président de la Commission du Commerce Louis Rollin prend la plume dans Le Petit Journal pour défendre le principe d'une loterie nationale :

"En France, depuis que le mal budgétaire s'est accru, elle est devenue d'actualité et bien qu'aucun des gouvernements qui se sont succédé depuis quelques mois ne l'ait introduite expressément dans son programme, elle a fait de grands progrès dans l'opinion publique."

En ces temps de crise financière, l'institution d'une loterie est vue comme un moyen de renflouer les caisses de l'Etat :

"Notre budget souffre en effet particulièrement du fait que notre système fiscal actuel, à l'inverse de celui d'avant-guerre, est étroitement appliqué aux revenus des citoyens et, par suite, est devenu très sensible, en période de crise, aux fluctuations et mouvements divers de la vie économique. La loterie ne viendrait-elle pas ajouter à cette instabilité fiscale ? Nous en sommes persuadés ; aussi, suivant nous, elle ne doit pas être retenue comme un des moyens d'équilibrer le budget. Par contre, dans des circonstances exceptionnelles comme celles que nous traversons, elle pourrait être envisagée comme un adjuvant exceptionnel."

L'Etat décide d'instituer une loterie nationale destinée à fournir les ressources nécessaires au paiement des pensions attribuées aux anciens combattants et aux calamités agricoles, le 31 mai 1933.

Les associations d'anciens combattants en deviennent la cheville ouvrière. L'Union des blessés de la face et de la tête appelée "Les Gueules cassées" achète ainsi à l'État les billets et en confie la vente à des mutilés de guerre installés dans des kiosques. Les bénéfices permettent de venir en aide aux victimes de la Grande Guerre.

Les Français se prennent immédiatement au jeu, comme l'indique L'Intransigeant en septembre 1933 :

"Devant le succès considérable rencontré auprès du public par la Loterie, le comité a décidé qu’aucun frais d’affichage, de propagande par cinéma ou par T. S. F. ne seraient engagés jusqu'à nouvel ordre."

Des loteries spéciales sont également organisées pour financer de grands événements. C'est le cas lors de l'Exposition internationale de 1937, comme le rapporte Paris-Soir en 1934 :

"La Ville de Paris sera autorisée à organiser une loterie d'un montant de 700 millions, qui servira à couvrir la subvention de 285 millions qu'elle s'est engagée à verser."

Dans les années 70, la Loterie nationale commence à s'essoufler. Ce sont "Les Gueules cassées" qui proposent alors de lancer un nouveau jeu : le Loto, dont on fête en 2016 le 40ème anniversaire.