Jean Gabin, acteur malgré lui
L'acteur de "Pépé le Moko" et "Quai des Brumes" voulait tout faire sauf comédien, comme le révèle un article de 1937.
Le 9 avril 1937, le magazine féminin Midinette s'intéresse à une étoile montante du cinéma français : Jean Gabin. Quand paraît l'article, l'acteur, alors âgé de 32 ans, n'a pas encore tourné ses plus grands films, Pépé le Moko de Julien Duvivier, La Grande Illusion de Jean Renoir ou encore Le Quai des brumes de Marcel Carné. Mais c'est déjà une vedette.
Pourtant, le portrait qui paraît dans Midinette est surprenant. L'article explique en effet que Gabin à l'origine détestait le métier de comédien et qu'il fit tout pour y échapper ! C'est son père, acteur lui-même, qui parvint à le lui imposer...
"[…] Navré de voir son fils s'éloigner de plus en plus de la profession dont il rêvait pour lui, son père — avec lequel il s'était raccommodé entre-temps — décidait d'en faire par ruse son successeur à la scène. Il l'emmena donc un beau jour, par surprise, voir son ami Fréjol qui lui proposa de le faire débuter aux Folies Bergère comme figurant. Bien que le métier n'eût pour lui aucun attrait, il semblait à Jean Gabin moins pénible que celui de manœuvre. Il accepta donc de tenter l'épreuve, à la fois pour faire plaisir à son père et comme une situation d'attente qui lui permettrait de chercher tranquillement un métier qui lui plût."
Gabin s'essaye ensuite au chant et court les auditions. En 1926, il devient un véritable artiste de music-hall.
"Il apprend que Jacques-Charles prépare une tournée pour l'Amérique du Sud et fait passer des auditions. Il s'y précipite. Mistinguett est dans la salle. Après son audition, il est engagé, mais... par Mistinguett qui le fait débuter au Moulin-Rouge. Enfin, un engagement sérieux ! 1 200 francs par mois : la richesse ! Pas du tout ! Après quelques semaines, alors que tout « marche rond », il entre un soir dans la loge de Mistinguett : « Qu'est-ce que tu veux ? — Miss, je m'en vais ! — Tu t'en vas ? Pourquoi ? — Je ne gagne pas assez, je vais chercher autre chose. — Attends ! Je vais m'occuper de cela. » Et de 1 200 francs, les appointements sautent à 1 500."
Puis Gabin, pour continuer à gagner sa vie, se résout à exercer le pénible métier auquel le destinait son père... Il tourne dans son premier court-métrage en 1928, puis tient son premier vrai rôle en 1930 dans Chacun sa chance.
Un choix judicieux : acteur dans 95 films, celui qu'on surnomma "Gueule d'amour" est aujourd'hui considéré comme l'un des plus grands comédiens du XXe siècle.