Attentats anarchistes et "lois scélérates"
Entre 1892 et 1894, une vague d'attentats anarchistes ensanglante la France. Le gouvernement répond par une série de lois répressives.
Le 10 décembre 1893, un événement fait la une de tous les quotidiens français : la veille, une bombe a explosé dans l'hémicycle de la Chambre des députés, faisant une cinquantaine de blessés. La Presse décrit la scène :
"M. Mirman venait de défendre son élection lorsque, de la galerie du deuxième étage, à la droite du président, une violente détonation retentit tout à coup, remplissait la salle de fumée et provoquait sur tous les bancs la plus vive émotion. Chacun se précipite vers les portes de sortie, mais le président, debout à son fauteuil, invite ses collègues au calme et au sang-froid. À droite, l'abbé Lemyre s'affaisse, il est aussitôt transporté par ses collègues, il est couvert de sang. Le président Dupuy montre la tribune d'où est partie l'explosion et prononce d'une voix ferme les paroles suivantes : « C'est l'honneur et la dignité de la France et de la République que de pareils attentats ne puissent troubler nos délibérations ». Toute la salle, le public dans les tribunes, les journalistes oublient le règlement et applaudissent à outrance."
L'homme qui a fait exploser cette bombe chargée de clous, de morceaux de zinc et de plomb est l'anarchiste Auguste Vaillant. Son acte fait suite à une série d'attentats qui ont semé la panique en France en 1892, et dont le but est de déstabiliser la société en recourant à la « propagande par le fait », c'est-à-dire à la violence plutôt qu'à l'éducation des masses laborieuses et à la simple propagande, une attitude théorisée dans les années 1880 par certaines mouvances anarchistes européennes.
L'auteur de ces attaques de 1892, François Ravachol, a dynamité à quatre reprises les immeubles où résidaient les magistrats chargés de juger les militants libertaires. Il est guillotiné le 11 juillet 1892 : c'est lui qu'Auguste Vaillant a voulu venger (lui aussi sera guillotiné, le 5 février 1894).
Lois d'urgence
Aussitôt après l'attentat du 9 décembre, des lois sont votées en urgence pour lutter contre le terrorisme anarchiste. La première, votée deux jours après, modifie la loi sur la liberté de la presse de 1881 : désormais, l'apologie de crimes est punie, alors qu'auparavant seule la provocation indirecte l'était. La seconde loi, votée le 15 décembre, qui ne nomme pas explicitement les anarchistes, vise à inculper sans distinction tout membre ou sympathisant d'un groupe de malfaiteurs.
Mais bientôt, d'autres attentats ont lieu : le 12 février 1894, Émile Henry pose une bombe au...
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