De la boîte à ordures à la "poubelle"

La difficile mise en place de la "boîte à ordures"

Par un arrêté publié le 22 décembre 1883, le préfet Eugène Poubelle impose la "boîte aux ordures". Il entend ainsi résoudre une question d’hygiène récurrente depuis des décennies. Jusqu’ici la population parisienne descendait ses déchets dans la rue. Les chiffonniers opéraient un premier tri pour récupérer chiffons, peaux de bêtes, etc. mais subsistaient épluchures, viscères d’animaux, et autres qui, en pourrissant, occasionnaient boue et odeurs insupportables. L’arrêté, préparé à partir de différents rapports, réglemente les modalités du tri, la taille des boîtes et les horaires de dépôt. Les propriétaires doivent mettre à la disposition des locataires deux types de boîtes dans l’immeuble : l’une contient tout ce qui pourrait blesser les "boueux", l’autre le reste des détritus. Les concierges sont tenus de descendre ces récipients fermés juste avant le passage des tombereaux pour éviter que les chiffonniers n’en répandent le contenu.

Le "décret de M. Poubelle" provoque un tollé. Les Parisiens soulignent une immixtion de l’État dans la vie de la capitale, le conseil municipal n’ayant pas été prévenu de cette mesure. Le fait qu’un fabriquant propose déjà les boîtes à ordures réglementaires alimente des rumeurs de prévarication. La presse est unanime pour dénoncer une ingérence dans la vie privée. Cette nouvelle réglementation heurte en effet bien des tabous sur l’ordure et l’intime, et sur la hiérarchie sociale dans l’habitat. Dans L’Intransigeant, Gramont prédit : "Un de ces jours, Camescasse, Poubelle ou Tartempion inventera une réglementation des heures de repas, des heures de repos, et de la façon de faire l’amour. Et nous sommes tellement jobards que nous nous y conformerons".

La mort des chiffonniers ?

Cette fronde des Parisiens contre la boîte à ordures trouve un symbole dans le personnage du chiffonnier. Le "biffin" avec sa hotte et son crochet a longtemps fait peur, mais comme le porteur d’ea...