La naissance de la critique de cinéma
Le journaliste Émile Vuillermoz, qui tenait une rubrique dans le journal Le Temps, est en 1916 le véritable fondateur mondial de la critique de cinéma.
En 1916, il existait déjà des revues spécialisées, telles le Fascinateur, et Le Gaulois, un peu plus tôt la même année, avait lancé la première rubrique de l'histoire consacrée au cinéma. Mais jusqu'ici, les textes sur le cinéma consistaient surtout en descriptions techniques, en portraits d'acteurs, en commentaires de programmes...
Émile Vuillermoz (1878-1960) est beaucoup plus ambitieux : il veut faire une véritable critique cinématographique, c'est-à-dire mener sur les films une réflexion subjective et indépendante de l'industrie.
C'est l'objet du manifeste qu'il signe dans les colonnes du grand quotidien Le Temps, en pleine Première guerre mondiale (nous sommes le 23 novembre 1916) :
« Le spectateur le plus indulgent ressent aujourd’hui le besoin de mettre un peu d’ordre et de logique dans ce chaos trépidant, découvre l’utilité de l’analyse et de la comparaison, cherche à connaître les bons films et à éviter les mauvais, refuse de gaspiller son temps en expériences fâcheuses, bref, souhaite que le cinéma se plie aux règles acceptées par toutes les autres formes de spectacles, subisse un contrôle artistique préalable, livre loyalement son effort à la critique professionnelle et comprenne enfin les avantages de cette discipline dont les théâtres — malgré leurs traditionnelles récriminations — n’ont tiré que des avantages. »
Et le 29 novembre, Le Temps se dote d'une rubrique régulière, « Derrière l'écran », tenue par Vuillermoz. Jusqu'en 1942, le chroniqueur y séparera chaque semaine le bon grain de l'ivraie, inaugurant une tradition perpétuée jusqu'à aujourd'hui par nos estimables critiques.