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Benjamin, 8 décembre 1932

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Benjamin
8 décembre 1932


Extrait du journal

« Nous ne pouvons malheureuse ment vous placer dans un rayon de jouets, monsieur, mais, en attendant, nous vous mettons à l'orfèvrerie. » C'est ainsi que, désirant voir de près comment s'approvisionne le père Noël, en nounours de peluche et en chevaux mécaniques... je fus chargé de vendre des petites cuillers ! A vrai dire, je n'avais jamais été vendeur qu'une fois dans ma vie. Lors que j'avais sept ans, et, pendant les rares instants où ma petite cousine était lasse de « faire la marchande », j'étais admis à lui faire l'article au sujet des gâteaux merveilleux que nous réalisions à peu de frais avec une pelle, un moule et du sable mouillé. DANS MA « BERGERIE > C'est ce que je me répétais avec quelque angoisse en pénétrant dans « mon rayon » à la suite de mon chef, au rez-de-chaussée tumultueux de la ■ v.- >•••• ■-,*■* — voila votre bergerie. — Ma... ? —Votre bergerie .* * —- Lorsque quatre comptoirs sont disposés en rectangle, on appelle cela une bergerie. — Ah ! Ah ! fais-je d'un afr en tendu, et quand ils ne sont pas dispo sés en rectangle? — Ça s'appelle des < propositions ». Attentions, malheureux 1 Trop tard, j'ai précipité à l'intérieur de ma bergerie tout un étalage de cou verts d'argent... Je n'aurais jamais pensé que des couverts d'argent pus sent faire tant de bruit. Un à un, je les ramasse, tout penaud, sous les yeux sévères de mes collègues. — Ça commence bien, me dît avec une ironique douceur mon < second » (c'est-à-dire mon supérieur hiérarchi que direct, et l'inférieur hiérarchique direct du chef de rayon, qui est luimême l'inférieur hiérarchique direct de l'administrateur). UN SERVICE A DÉCOUPER? Voici une cliente. Ma première cliente ! Brr... elle a des lunettes, un air pas commode, une lèvre qui avance un peu. — C'est bien le rayon de l'orfèvre rie, ici ? — Vraisemblablement, madame. •c ... Oh 1 les yeux de mon « second » lancent des éclairs ; j'ai manqué au premier principe : ne jamais être iro nique avec le client... — Avez-vous des services à décou per. — Mais, certainement, madame ; ils sont même très beaux, ce qui se fait de mieux, et puis, vous savez, ce n'est vraiment pas cher. (Je parle un peu nerveusement, tout en ouvrant un nom bre considérable de boîtes : là, ce sont les couteaux, là les services à horsd'œuvre, là les services à lunch)... — et de qualité garantie, nous garantis sons la qualité de toute notre mar chandise (mais où sont ces malheu reux services à découper)... Je... euh... voulez-vous un manche en corne... c'est plus joli... En trois minutes à peu près, j'ai mis cinq tiroirs dans le désordre le plus complet. — Vous désirez, madame ? (Ça y est ! ! ! le « second » I). — Je désire, monsieur, des services à découper. Ce jeune homme (le jeune homme, c'est moi), me raconte beau coup d'histoires, mais ne me paraît pas très au courant. — Vendeur ! occupez-vous de ma dame. Celui-ci est un débutant, veuil lez l'excuser. Je m'éclipse. — Tenez, voilà une vente facile : faites là. — Je désirerais, monsieur, une douzaine de petites cuillères. ■— C'est très facile, madame. — Avec des petits losanges gravés (ajoute monsieur). Paul THIRIET. (suite à la page 11.)...
Benjamin (1929-1944)

À propos

Benjamin est un hebdomadaire publié à l’intention de la jeunesse. Fondé en 1929 sur l'initiative de l'éditeur Jeorges Lang avec Jean Nohain, dit Jaboune, il est l’un des principaux journaux pour enfants de l’entre-deux-guerres. Visant explicitement la progéniture de l’élite sociale française, son contenu est illustré, mais contient très peu de bandes dessinées, à l’inverse des autres publications pour les jeunes. Ses pages contiennent plutôt des reportages et des récits.

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