Extrait du journal

L'avons-nous, ici à l'intérieur, assez.attendu ce jour de gloire. L'avons-nous assez souhaité en nos cœurs. Depuis votre mémorable appel lancé de la capitale amie au lendemain de la défaite, chaque soir, nous écoutions secrètement, malgré les boches et Vichy, nos camarades de la B.B.G. et si parfois, nous avons perdu courage nous n'avons jamais désespéré. Nous reprenions confiance lorsqu'à l'Est, les victoires de nos amis russes succédaient aux victoires et lorsqu'aussi, cette splendide 8' Armée, grossie de quelques-uns des nôtres, de Bir Hakeim à El Alamein et de El Alamein à Rome fit l'ad miration du monde. Nous reprenions également confiance, lorsque nous visitions les magnifiques troupes du maquis dont le moral et le désir de se battre faisaient notre fierté. Nous savions tout cela et pourtant, nous ne voulions plus y croire et c'est préci sément ce qui explique que parfois dans nos colonnes, nous nous permettions d'adres ser, nous les résistants de l'intérieur, des plaintes à nos camarades de combat. Gelies-ci nous valurent des attaques plus injustifiées que nos plaintes. Mais l'heure désormais n'est plus aux polémiques et puisque ce jour merveilleux est enfin arrivé, il faut que vous sachiez, ainsi que tous nos Alliés, que malgré nos deuils récents, malgré nos plaies encore ouvertes, pas une chaumière, à quelques rares exceptions, n'a eu autant de joie contenue, autant d'espoir retrouvé, autant de raisons de vivre éf cfe combattre, qu'en ce jour du 6 Juin 1944. Vous, de Gaulle —'qui avez toujours été pour nous le véritable symbole de la résistance — avez lancé ce jour-là, un nouvel appel à /'Adresse du peu ple français, en disant en outre : «. Il s'agit de détruire l'ennemi » et il vous a répondu : ti Présent ! ». Toute la France, la vraie est à vos ordres car ce qui importe avant tout, c'est que la France garde son âme, qu'elle reste fidèle — comme vous en avez montré l'exemple — à sa vocation et qu'elle continue à ne pas perdre l'honneur. Les marchands d'esclaves ne sont pas arrivés à dompter les Français et une fois de plus, grâce à vous de Gaulle, le peuple de France aura sauvé ia Patrie. Tous, nous sommes avec vous pour le grand combat décisif contre l'ennemi com mun qui, dans une vie d'homme, a souillé par trois fois notre sol. Mais nous sommes aussi tous debout contre la collaboration qui, violant le droit des gens, le droit naturel, a commencé par livrer elle-même à l'envahisseur les réfugiés politiques, a enfermé, dans ses camps de concentration et ses prisons, les in'eilleurs des fi/s de France qui se sont battus pour défendre la nation et ses libertés, car en ce jour de gloire, c'est à eux que nous pensons beaucoup, ainsi qu'aux tués, aux fusillés et aux disparus, qui nous s ont tous si chocs et qui sont morts, après avoir été souvent torturés, si courageuse ment dans les rangs de la résistance. Oui, nous le répétons, dans cette lutte à mort contre l'ennemi commun, nous som mes tous debout contre cette immonde collaboration, qui n'a pas hésité devant l'horreur de travailler volontairement et effectivement à l'extermination d'une race toute entière, exigée par la haine antisémite du boche, arrachant tes enfants à leurs parents, arrachant les femmes à leurs maris, disloquant les familles avant de les expédier par fractions à la mort dans les longs convois de bétail humain. Nous sommes tous debou-t contre cette collaboration qui n'a même pas hésité devant les tribunaux de torture, ri/ devant les fusillades d'otages, ni devant les déportations des ouvriers français, des jeunes gens et des jeunes fUles. Il y a un mot qu'il faut sans cesse répéter parce qu'il représente le devoir d'un pays...