Extrait du journal

Le théâtre est ce qui influe le plus directement sur les mœurs et le caractère d’un peuple, et par une réaction toute naturelle, le théâtre est le tarif auquel se mesurent le goût et l’esprit d’une nation. Tant que la civilisation en France fut dans sa marche ascendante, la scène française fut l’envie de tous les peuples civilisés, fut la gloire des lettres et la lice où les plus beaux génies de la France firent assaut de chefs-d’œuvre. L’art dramatique alors était une source féconde ou la société s’initiait aux mystères des nobles élans du cœur, des grandes passions humaines; un type du beau idéal, une image du vrai dans tous les genres d’observations, et un choix de modèles épures par tons les raffinement du tact et de la convenance, où les mœurs françaises puisaient toutes les délicatesses de l’âme, dont la politesse, qui les distingua pendant si longtemps, était le fruit et l’expression. Alors, c’était vraiment un art que le travail de la scène ; il fallait, pour s’y livrer, non seulement un talent réel, un penser fort cl une connaissance approfondie du cœur humain, mais encore une vocation particulière, un génie spécial. C’était peu que d’être grand moraliste et philosophe expert; si la justesse d’observation ne s’unissait pas chez, l’écrivain à la puissance de conception, et la science de 1 homme au don de le reproduire, on était Labruvère ou Larochefoucauid, maison n’était ni Corneille, ni Racine, ni Molière. Honneur à cette époque où la scène française éclipsa celle d’Athènes ! les mœurs qu’elle nous légua furent la gloire et seront toujours l’orgueil de la France !...