Extrait du journal
NOUS ACCUSONS... En 1934, un pogrome en terre française ! Un pogrome qui dépasse, dans sa violence et sa férocité, les excès du régime tzariste. Un pogrome voulu, préparé par les disciples français de Hitler et qui, ’ en vingt-quatre heures, charge notre pays de la responsabilité d’un crime atroce : l’égorgement sauvage, sous les yeux d’un service d’ordre impuissant, désarmé, de pauvres gens, de femmes, de jeu-1 nés filles, de bambins sans défense ! O11 a belle d’accuser le fanatisme déchaîné de fellahs encore barbares ! On a belle d’annoncer, après l’arrestation d’une poignée de ces misérables déchaînés, que le châtiment sera exemplaire ! Nous qui savons comment fut fomenté ce pogrome, nous proclamons que les vrais responsables sont ailleurs et qu’il est néces saire de les flageller au pilori pour que demain, bientôt, ils ne puissent provoquer, en d’autres points de nos colonies, en France même, de nouveaux forfaits. Il est trop facile d’imputer un tel déchaînement de cruauté à la seule hostilité religieuse qui oppose Arabes et Juifs. Depuis des siècles, conquérants mahométans et immigrés juifs vivent côte à côte sur la terre d’Afrique. Or, quelle que fût leur hostilité, jamais, sous la domination arabe, les Juifs n’ont subi des abomi nations qui se puissent comparer à la journée des massacres de Constantine. On comprendra combien il est grave que de telles atrocités aient atteint des Juifs indigènes après que la France fût venue occuper leur pays pour y introduire les garanties de la civilisation moderne. Nous savons les erreurs commises en Afrique, les raisons d’impatience des fellahs. Est-il, cependant, une raison d’Etat qui puisse permettre que la rancœur des indigènes soit détournée, à la manière hitlérienne, sur une catégorie d’habitants pris en bloc ? Parce qu’il peut se trouver, parmi les responsables du gâchis colo nial, des Juifs mêlés à des chrétiens et à des mahométans même, faut-il donc que la soif de meurtre d’une cohue sauvage soit incitée à s’assouvir sur l’éternelle victime expiatoire ? Fallait-il que fût répandu le sang des adolescentes et des enfants au berceau ? Et fallait-il donc, pour que la colère eût le temps de s’apaiser dans le sang des innocents, qu’on laissât tout un long jour assassins et incendiaires maîtres d’une grande ville où nous nous flattons d’avoir introduit l’ordre et la civilisation ? Quand on sait que les autorités n’ignoraient pas que l’orage couvait, quand des signes certains l’avaient manifesté, quand une propagande antijuive ouverte indiquait assez de quelle manière se produirait l’explo sion, est-il abusif de s’étonner d’une carence de l’autorité qui, si elle ne fut pas, on veut le croire, tout à fait volontaire, n’en eut pas moins toutes les conséquences de ce que nous ne voulons qualifier que d’inconce vable impéritie ! Mais quand F impéritie atteint à de telles conséquences, quand elle aboutit à laisser sans protection les ressortissants d’une nation qui- les gouverne au nom du droit et des principes démocratiques, le gouverne ment, responsable aux yeux du monde, se doit de marquer sa volonté de justice, son souci d’égalité entre les races qu’il administre sur l’ensemble de notre territoire. Il ne le peut qu’en prenant des décisions autres que la seule punition des misérables dont une démagogie imitée de l’insanité hitlérienne a exacerbé les ins tincts mal éteints. Nous le lui demandons sur la tombe des innocentes victimes d’une idéologie moyenâgeuse, certains de traduire non seulement le sentiment des juifs et des non-juifs adhérant à la Ligue Internationale contre l’Antisémitisme, mais aussi celui des Anciens Combattants de la L 1. C. A., que leur président, juif algérien, engagé volontaire pendant la guerre et grand mutilé, nous donne mission d’exprimer. Nous sommes convaincus que tous les honnêtes gens seront d’accord avec nous pour considérer qu’un pogrome aussi atroce que celui qui ensanglanta Constantine, terre française envers laquelle La mère-patrie a une double responsabilité, ne saurait être expié sans que des mesures soient prises qui ne permettent plue à Vantistrtiilisme de se développer dans les pays de langue française. Le Comité central de la Ligue Internationale contre l’Antisémitisme, profondément révolté par Fudieux massacre de Constantine, est décidé à mettre tout en œuvre pour que les instigateurs de telles infamies ne puissent continuer leur criminelle besogne. C’est dans cet esprit, qu’il ,se permet d’attirer l’attention du gouvernement sur les conséquences mo rales que, dans les circonstances présentes, sa carence aurait aux yeux du monde entier. Pour le Comité Central de la L.I.C.A., Le Président : Bernard LECACHE....
À propos
Créé en 1929 par Bernard Lecache, le Bulletin de la LICA fut le premier journal officiel de la Ligue contre l’antisémitisme. La publication est fondée dans un contexte délétère de montée du sentiment antijuif généralisé à l’échelle de l’Europe. Elle devient Le Droit de vivre courant 1932 et continue de paraître aujourd’hui sous ce même nom. La LICA, devenue la LICRA (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme) en est toujours la propriétaire.
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