Extrait du journal

J’avais trouvé un beau ti tre : « Lettre d’un Juif maigre au Monsieur qui n'ai me pas tes youpins gras ». Si j’en choisis, en fin de compte, un autre, c'est que je ne tiens pas à m'adresser, en un monologue qui se voudrait pathétique, à l’inconnu ren contré par hasard, loin de Paris. • 11 était de Lyon, comme en faisait foi le numéro minéralogique de sa torpédo. Sa fifle, .une adolescente déjà plantureu se, l'acompagnait. Son fils, un barbu à la manière des Prix de Rome 1900, jouait à l’homme d’esprit. Et il y avait un gendre qui semblait tout surpris d'être admis dans la famille. Quant au bonhomme lui-même, c'était un sexagénaire robuste, auquel ne man quaient pas une dent, pas un sou. pas une certitude. Le poil gris, le teint rose, la moustache taillée à l'américaine, on l'eût pris, de loin, pour un professeur en vadrouille. On le prenait, de près, pour ce qu’il qu'il doit être : un gros bourgeois qui fait dans la soierie, après papa, après grand-père, après le bisaïeul et le tri saïeul, dans I atelier qui s'est agrandi à la mort de l’un, étendu à la mort de l’autre, et qui est devenu l'importante raison sociale « Dupont et fils » ou ,< Dupont, fils et gendre », Tout, chez lui, respirait l'assurance du lendemain. Le foie devait bien fonc tionner, l'intestin aussi. En plus, un peu paillard, et qui ne se gênait pas pour le faire savoir. Une jolie femme passait : — Tu vois ce potentiel, disait le bonhomme à son barbu de fils. Non, mais le vois-tu ? Si le fils le voyait ! il en oubliait de manger. Des êtres comme ça, on a plaisir à les contempler. Plus ils se donnent 1 il lusion de vivre, et plus ils sont drôles....