Extrait du journal

J’ai raconté, dans la Volonté, comment j’ai découvert un certain Lambert, lequel n’a, hélas ! rien de commun avec le doux fantaisiste qui, au temps des romantiques, était réputé « pei gner la girafe ». Celui-ci est plutôt du côté du chameau. C’était, voilà quinze ou seize ans, à Clermont-Ferrand, où le Parti [Communiste m’avait appelé à tenir yn meeting. Un contradicteur s’y (présenta, qui faisait, ce soir-là, fi gure de soldat de 2” classe. Son application à bien penser et à parler en conséquence ne le sau rait pas de divaguer. Que la capote où il contenait tant tien que mal un genre de beauté’ bizarre qui est celui de Frère ArJchanmas dans la Faute de l'abbé Mouret de Zola fût pleine d’un cabotin : voilà ce que sa parole et sa gesticulation me faisaient suffi samment entendre. Je ne doutais pas qu’il fût ap prouvé par ses chefs pour avoir affronté un communiste, mais, aussi, puni par eux. parce qu’il est défendu à un soldat français de prendre publiquement la parole. J’appris dans la suite qu’il avait reçu de son colonel des félicita tions sincères et, disciplinaire ment, le cadeau de huit jours de prison. Voilà six ou sept ans, parlant à Marseille, je remarquais parmi mes auditeurs un prêtre qui m’é coulait avec beaucoup d'attention. Quand j’eus achevé,il vint à moi, me félicita obligeamment et me de manda si je le reconnaissais. 11 ajouta aussitôt : — Quand vous m’avez vu pour la première fois, je portais déjà un uniforme, mais ce n’était pas le même. Je suis le soldat qui vous a contredit, voilà longtemps déjà, à Clermont-Ferrand. Je m’appelle Lambert....