Extrait du journal

ces millions de Français auxquels nous posons une question très simple, très évidente, très raisonnable (on a envie de dire : banale), auquel nous demandons ce qu’ils se demandent tous les jours : Etes-vous pour la paix ? Condamnezvous l’arme atomique ? Tous ces Français qui n’ont pas envie de mourir, qui ont le goût tenace de durer, d’être libres, d’être heureux — de vivre en paix — tous ces Français, comme vous, comme moi, c’est bon de voir leurs visages, d’entrevoir leurs maisons. C’est bon de savoir que la paix, que la faim de la paix, elle a le simple visage de ces passants qui rentrent chez eux. Vous sonnez, la porte s’ouvre, ils sont là. Vous dites : « Je viens pour l’appel de Stockholm. » Porte à porte, ça veut dire aussi homme à homme, cœur à cœur, raison pour raison. Vous dites : « Excusezmoi de vous déranger à l’heure du dîner. Mais c’est pour la paix. » Le monsieur a sa serviette à la main, la dame son tablier sur la robe. Le petit garçon dit : « Je vais chercher papa. » C’est une maison riche, avec des tapis, un ascenseur tout brillant, ou bien une maison pauvre, avec des murs noirâtres jamais repeints. Mais dans toutes ces maisons, la paix veut dire la même chose, les gens autour d’une table, un écolier qui fait ses devoirs, la dame du dessus qui joue du pir .o, la chatte qui s’est sauvée dans l’escalier, et la possibilité de se poser des questions, de s’indigner, de se fâcher, de dire : « Ah ! la bombe atomique, quelle saleté ! » Ou même de dire : « Ah ! l’appel de Stockholm, encore un truc des communistes... Non, moi je ne marche pas. » Alors, si la porte n’est pas claquée au nez, on répond sans se fâcher : « Bon. H y a des communistes qui ont signé l’appel, il y en a qui ont collaboré à sa rédaction. Ei si les communistes vous disent qu’il pleut, vous sortirez' sans parapluie et sans imperméable parce que ce sont les communistes qui ont dit qu’il pleut ? > X1 T on relit le texte de l’appel : « Nous exigeons l’interdis** timon absolue de l’arme atomique... Nous exigeons l’établissement d’un rigoureux contrôle international pour assurer l’application de cette mesure... » Le monsieur se tâte. « Bon, dit-il, je ne dis pas non. Mais les communistes... »...