Extrait du journal

Lorsqu'un peuple succombe, le .cœur, dans la poitrine de sen poète, s'arrête de battre. Karel Capek n'a pu survivre à sa patrie tchécoslovaque. Et le grand cœur d'Antonio Machado s'est brisé à l'heure où les plus cruelles blessures s'acharnaient sur son Espagne. Antonio Machado est mort. C'était le plus illustre et le plus aimé des poètes espagnols et l'un des plus admirables lyriques de tous les pays et de tous les temps. Il est mort à Collioure, en cette terre de France où son peuple a cru trouver un refuge. Et comme son peuple, avec son peuple, il avait résisté héroïquement, à Madrid, à Barcelone, à Figueras, n'ayant, lors de l'évacuation de Madrid, quitté la capitale que sur l'injonction formelle du général Miaja. Jusqu'à la fin il aura partagé le destin, le courage et le martyre du peuple dont il était la voix la plus pure. Il n'avait que soixante-quatre ans, mais tant d'épreuves avaient ruiné sa santé. Et, emporté, avec les miliciens blessés, dans le flot de la défaite, de l'autre côté des bornes de sa patrie, Antonio Machado ne pouvait plus que mourir. C'est là une nouvelle victime de la guerre que le fascisme mène contre le génie et le peuple de l'Espagne. Dans notre mémoire, le nom d'Antonio Machado rejoint à jamais celui de son jeune et fraternel émule, Federico Garcia Lorca, fusillé à Grenade, et sur la mort de qui il avait écrit un inoubliable poème....