Extrait du journal

Lucien Romier vient d’écrire un "e Homme nouveau », livre où il a entrepris de faire un portrait de l'homme que nous voyons de plus en plus dominer dans les milieux d’après-guerre, et qui, demain, n en doutons pas, aura la direction de la Planète. Cet homme, il nous le montre actif, entreprenant audacieux, grand gagneur d’arguai, assurément plus dépensier que ses pères, sachant épargner, mais rayant pas le génie de l'épargne comme l’eurent si longtemps les Français. Un peu américain d'aspect, et, comme 1 Américain qui s'est fait souvent lui-même, quelquefois dédaigneux de certaines traditions qui! i! n'a pas encore complètement comprises, d’une certaine culture qu'il ne s’est pas complètement assimilée. Inutile d’insister ici sur la puissance et la perfection du portrait tracé par Lucien Romier ; notre objet n’est d’ailleurs point de faire la critique — qui serait un éloge — du livre. Nous voulons marquer que l’écueil sur lequel cet homme nouveau pouvait se briser était l’imitation trop brutale de l’Américain. Durant dix ans, on a beaucoup parlé d américanise et d américanisation : nous avons vu le moment où l'on jugerait si bien par le Nouveau-Continent que nous finirions par nous loger, nous habiller, manger, boire, etc... tout comme les New-Yorkais. Or, il faut bien avouer que l'on peut être très moderne sans nécessairement mastiquer de la gomme, et que la cuisine française vaut dix fois l’américaine, et que nous serions des sots de nous mettre à l’eau, et que la mode parisienne est parisienne, et voilà tout, et que nos campagnes ont leur charme, nos villes le leur, que nos habitudes, nos traditions, nos coutumes, nos lois, tout ce qui fait notre personnalité nationale n'est pas à rejeter en bloc, loin de là....