Extrait du journal

Nul ne contestera que la dure apostrophe de M. Léon Blum à ses camarades socialistes — « Vous avez peur de la nouveauté » ne soit profondément justifiée. Mais elle n'est pas seulement exacte en ce qui concerne le parti socialiste : elle l'est tout autant — sinon plus — touchant les autres partis. A chaque instant de la vie politique, l'on peut mesurer le décalage stupéfiant qui sépare les données sociales immédiates, l'expérience acquise, et les idéologies, les méthodes constamment invoquées. Le monde politique tel qu'on le parle, tel qu'on le rêve, répond davantage à la société de I848 qu'à la nôtre. Certes, je ne pense pas que nos hommes politiques soient dupes, sauf quelques-uns, mais ils font comme s’ils l'étaient. Et, à leurs moments de faiblesse, c'est à l'idéalisme le plus niais qu'ils font appel pour se camoufler et s'excuser de ne point aller plus avant dans leur pensée. Exemple, ce député du M.R.P., qui, l'autre jour, à la tribune affirmait avec toute la solennité convenable : « C'est parce que nous croyons aux idées que nous estimons qu'il n’est pas indispensable d'en donner une formulation complète. ;> -ô". avouera que c'est une étrange manière de faire une Constitution. On a des idées politiques, mais on juge inutile de les « formuler » précisément, et même de chercher à les imposer. On compte qu'elles sortiront toutes seules des événements, tout comme les petits bébés naissent dans les choux. C'est du même ordre de croyance....